La journée du mardi 28 avril 2020 restera gravée à jamais dans la mémoire des déplacés installés près du marché de bétail de Faladiè, à Bamako. Un gigantesque incendie s’est déclaré et a tout réduit en cendres. Le paté de galetas a disparu. Il n’y a que des sinistrés.
Mercredi 29 avril 2020. Il est 10 heures. Une femme est assise à l’ombre d’une camionnette calcinée nantie de ses baluchons qu’elle a pu sauver. Elle allaite son nouveau-né. Sa main soutenant son menton, le regard pointé vers le camp victime d’un gigantesque incendie. Le temps semble figé dans le regard de cette femme. « Déjà, ils n’avaient rien, ils vivaient avec des dons et voilà que tout est parti en fumée », dixit Amadou Bah, un humanitaire qui semble perdre tout espoir.
Le camp des déplacés à Faladiè, quartier de Bamako sur la rive droite du fleuve Djoliba, est désormais méconnaissable. Ce qui était un amas de gourbis est désormais une étendue à perte de vue. Seuls des vieilles tôles, des fils de fer carbonisés jonchent le sol. Le feu a littéralement tout réduit en cendres. Dans le marché de bétail, auquel le camp est contigu, les animaux n’ont pas été épargnés par l’embrasement. Les carcasses de ceux qui n’ont pu fuir à temps sont là. Pas une seule mouche ou un asticot qui, d’habitude, se précipite pour « coloniser » ce genre d’immondices. Comme si ces bestioles avaient honte de profiter d’un si sinistre drame. Les fils de haute tension de l’Énergie du Mali (EDM-S.A), suspendus à une cinquantaine de mètres de hauteur, ont brûlé témoignant davantage de la violence de l’incendie.
Un symbole
Le spectacle qu’offre le camp de Faladiè, au lendemain de l’incendie, est semblable aux images des expéditions meurtrières perpétrées contre des populations civiles dans le centre du Mali dont ces déplacés sont pour la plupart des rescapés. Majoritairement, ils sont venus d’Ogossagou. Sont-ils des damnés de la terre ? Pourquoi le feu les poursuit jusqu’ici ? Ils sont, à mon avis, juste victimes d’un système de gouvernance qui a échoué à les sécuriser sur leurs terres et n’a pu leur trouver un refuge digne d’un être humain à Bamako ou ailleurs dans le pays.
D’habitude, la vie est grouillante au camp de Faladié. Ces personnes venues majoritairement du Centre du Mali, fuyant les violences, y avaient trouvé refuge. Le camp de Faladié était un symbole. Toutes victimes d’une crise dans la même contrée, elles vivaient désormais côte à côte : Peul, Dogon, Sonrhaï. On retrouvait toute la diversité qui symbolisait le plateau dogon, devenu désormais l’épicentre des conflits locaux. Le camp de Faladié était un message aux milices et autres seigneurs de guerre qui font régner la loi du plus fort dans le plateau dogon en opposant les populations les unes aux autres.
« Je-m’en-foutisme »
Installés ici depuis deux ans, les déplacés de Faladié étaient devenus un fonds de commerce pour certains leaders dits communautaires riches d’une misère morale à vomir. Une réalité qui traduit le « je-m’en-foutisme » vis-à-vis des victimes d’un conflit que l’État a échoué à éteindre.
Le camp de Faladié renaîtra de ses cendres. Ces femmes et hommes reconstruiront leurs taudis et, une fois de plus, comme toutes les autres catastrophes dans ce pays, cet incendie ne servira pas de leçon. On en reparlera au prochain désastre.
Vous avez tout dit