Le gouvernement malien doit faire preuve de rigueur, de transparence et d’exemplarité dans la communication sur la pandémie de Covid-19. En outre, il doit faire davantage d’efforts pour respecter les mesures édictées dans la lutte contre la maladie.
Tout semblait pourtant bien parti. Un Premier ministre avec un ton rassurant même s’il reconnaissait lui-même que le Mali restait un pays vulnérable. Un ministre de la Santé et des Affaires sociales aux avant-postes pour évaluer les capacités de réponse du pays et procéder aux ajustements nécessaires. En cette mi-mars, alors que le Mali n’enregistrait officiellement encore aucun cas positif au Covid-19, le gouvernement semblait maitrisé la situation. Certains y ont vu une forme de Baraka et une réponse divine aux invocations des Maliens. D’autres, le calme avant la tempête.
Un mois plus tard, le tableau semble bien différent. Ce dimanche 19 avril, qui correspondait aussi au second tour des législatives, le pays enregistrait 8 nouveaux cas positifs portant le nombre total à 224 dont 14 guéris. Le lundi 20 avril, 22 cas positifs ont été déclarés, augmentant le nombre total : 246 cas. Comme la plupart des pays africains, les capitales sont les plus touchées par cette pandémie. À l’instar de ses homologues du continent et sans surprise, le Président Ibrahim Boubacar Keita, dit « IBK », a, pour l’instant, opté pour un confinement partiel avec un couvre-feu en vigueur entre 21h et 5h du matin. Il le voudrait qu’il ne le pourrait pas. La structure largement « informelle » de l’économie combinée à une vie sociale bouillonnante rendrait toute tentative au mieux inefficace et au pire contreproductive.
Communication erratique
Cette situation réduit considérablement la marge de manœuvre dont disposent les pouvoirs publics pour endiguer la maladie et ensuite l’éliminer. En outre, elle souligne, une fois de plus, la position terrible dans laquelle se trouvent le Mali ainsi que la plupart des États africains : celle de devoir choisir parmi de mauvaises solutions. Toutefois, bien qu’elle mobilise en premier lieu des experts en épidémiologie, virologie, infectiologie, santé communautaire, cette pandémie reste avant tout un défi politique. Parce qu’elle touche tous les fondements de la société, sa gestion devra aussi être politique.
Si les autorités semblent avoir intégré cette dimension, en témoignent les trois adresses à la nation du Président Keïta ainsi que les nombreuses mesures prises au cours de ces dernières semaines, la communication erratique du gouvernement risque d’éprouver durement l’efficacité de celles-ci. En effet, le gouvernement a multiplié les erreurs de communication depuis le début de la crise. L’agitation autour des vols de rapatriement ou encore l’illisibilité des différents communiqués faisant le bilan de l’évolution en sont quelques illustrations.
Face à une progression de la maladie qui semble inéluctable dans le pays, à la qualité médiocre des infrastructures sanitaires et en l’absence de vaccin ou de traitement, la réponse, comme le scandait au début de la crise le ministre de la Santé et des Affaires sociales, Michel Hamala Sidibé, la plus efficace demeure la prévention et l’application stricte des gestes barrières. Or, le succès de toute politique publique repose en grande partie sur son « appropriation » par les communautés. Ce processus est facilité par des campagnes de sensibilisation mais surtout par une bonne communication. Pour que celle-ci soit de qualité, elle doit s’articuler autour de 3 principes simples : la rigueur, la transparence et l’exemplarité.
Déconnexion entre sphère politique et experts
L’effacement progressif du ministre de la Santé et des Affaires sociales au profit des « techniciens » n’a pas non plus été d’une grande utilité dans le contexte actuel. L’expertise n’est pas toujours synonyme de pédagogie. Un bon expert en épidémiologie ne fait pas un bon communicant, et ce n’est pas ce qui lui est demandé. Les communiqués du ministère de la Santé et des Affaires sociales illustrent cette déconnexion entre la sphère politique et celle de l’expertise. Les communiqués sont mal rédigés et manquent de clarté. Le 19 avril dernier, il aura fallu s’y prendre à trois reprises pour accomplir un exercice à priori simple : celui de donner aux Maliens le bilan de la journée. Ces documents empreints d’une forme de désinvolture sont signés par le Secrétaire général du ministère, ce qui n’est pas grave si le ministre ne ratait pas une occasion de réceptionner les nombreux dons faits au profit de son département.
Cette légèreté insoutenable conduit à décrédibiliser davantage la parole publique, à desservir le travail acharné des professionnels de la santé qui font leur maximum dans des conditions extrêmement difficiles et à favoriser la prolifération toutes sortes de théorie complotiste. Il est donc urgent de professionnaliser davantage la communication liée à la lutte contre le Covid-19 en y consacrant plus d’efforts et en lui garantissant un meilleur portage politique.
Respect des mesures
La transparence équivaut également à expliquer, jusque dans les moindres détails, les raisons de certains choix, qu’ils soient guidés par des avis scientifiques ou des impératifs politiques. Un point de presse expliquant les circonstances ayant conduit à l’autorisation de l’atterrissage d’un vol Air France, le 20 mars dernier, aurait été préférable au communiqué laconique publié par le gouvernement et qui rentrait en contradiction avec la décision, prise trois jours auparavant, de fermer les frontières terrestres et aériennes du pays.
Enfin, tous ces efforts risqueraient d’être vains si le gouvernement ne fait pas plus d’efforts pour respecter les mesures édictées par lui-même, à commencer par la distanciation sociale ou le port du masque. Il n’est, par exemple, pas rare de voir à la télévision nationale l’irrespect de la distance de sécurité de la part de ceux qui sont censés gérer la crise. Cette attitude est contreproductive et donne à penser, à ceux des Maliens qui doutent de la réalité de la maladie, que cette dernière n’est agitée que dans le but de s’attirer la générosité de certaines puissances financières.