A Djenné, dans le centre du Mali, la mosquée qui attirait les touristes du monde entier n’arrive même plus à avoir de la visite des Maliens de l’intérieur à cause de la situation sécuritaire qui ne cesse de se dégrader.
La crise dans les régions du centre du Mali arrive, très facilement, à faire de l’ombre à tous ceux qui faisaient la beauté et l’admiration de cette partie du pays aux yeux du monde extérieur. Les touristes ont déserté les hauts lieux touristiques de la région ( le plateau dogon et la ville de Djenné) depuis le début de la crise en 2011. Entretemps, la crise a pris d’autres formes et le Centre s’est embrasé. Que devient la ville touristique de Djenné et sa grande mosquée ?
A quelques mètres de l’entrée, la traversée de l’affluent du Niger, le Bani, est obligatoire pour toute personne désireuse de faire un tour dans la ville. Deux bacs, datant du régime de Moussa Traoré, assurent la traversée d’une rive à une autre des véhicules, des motos, des charrettes et des personnes.
Menace « djihadiste »
Le pont de Djenné est une longue histoire. La menace « djihadiste » est passée par là. En construction, le chantier a été attaqué et des engins ont été détruits en 2018. Une autre entreprise est chargée des travaux de finition, qui s’éternisent au grand bonheur de Kaboro Naciré et son équipe, qui s’occupe des deux bacs. «Nous gagnons notre vie dans ce travail, confie Kaboro Naciré, conducteur de bac. Cela fait plus d’une dizaine d’années que je travaille sur ce bac. Aujourd’hui, la ville n’est pas aussi fréquentée qu’avant la crise. Sinon lorsque les touristes venaient, on pouvait passer toute la journée à faire traverser les véhicules. Nous avons peur de perdre notre activité avec le pont, mais la concurrence n’a pas encore démarré. On attend de voir.»
Les conséquences de la crise sécuritaire se font beaucoup sentir dans la ville. Les gens réfléchissent à plusieurs reprises avant de répondre aux différentes sollicitations. Le samedi 1er février 2020, lorsque nous faisions le tour de la ville, il n’y avait pas grande affluence au marché. Même si à Djenné, c’est le lundi qui est jour de foire hebdomadaire où les gens viennent des villages environnants. Mais, une certitude : tout le monde semble regretter la période touristique. « L’économie de la ville se meurt à petit feu. Personne ne peut faire quelque chose, car il faut le retour de la paix pour espérer avoir une situation normale. Il ne reste plus que l’échange local, car les étrangers viennent de moins en moins.», témoigne ce commerçant détaillant de la ville.
Une mosquée légendaire
Magistralement plantée au beau milieu du centre-ville, elle est toujours là, magnifique et splendide : la grande mosquée de Djenné. Nous l’avons visitée, en compagnie de Mamy Nientao, l’un des muezzins. Il nous a fait faire le tour de la mosquée et nous a raconté son histoire. « La mosquée de Djenné n’est pas construite sur une fille. Au moment du sacrifice de la jeune fille, il n y avait pas de mosquée, a tenu à préciser Mamy Nientao. L’Islam a fait plus de cent ans avant la construction de la mosquée».
Entre un mélange de modernité et de tradition, cette mosquée date de 1906 ( les travaux ont pris fin en 1907) en remplacement de deux autres construites dans le passé. Selon le muezzin, sa construction a demandé l’appui d’architectes yéménites. La mosquée est battue sur une superficie d’un hectare, sa hauteur est de 20 mètres, le toit est soutenu par 99 piliers (en référence au 99 noms d’Allah). Les mûrs mesurent 20 à 30 cm d’épaisseur. Les briques de remplacement sont constituées de son de riz, de baobab, de miel et d’huile de karité qu’on mélange et conserve pendant deux à trois mois pour faire la réparation. A chaque mois d’avril, la population locale participe au crépissage de la mosquée.
Depuis quelque temps, la ventilation traditionnelle qui était constituée de 104 fenêtres a fait place à la ventilation moderne avec un sytème d’électricité obtenu à partir de l’énergie solaire. Une place est réservée aux tombes des saints à l’intérieur de la mosquée. Ce joyau architectural soudano-sahélien ainsi que la ville de Djenné sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1988. Mais la mosquée semble être oubliée à cause de la crise sécuritaire. Pire, en 2016, elle a été placée sur la liste du patrimoine en péril à cause de la menace « djihadiste ».