Les sanctions économiques et financières, imposées au Mali par la Cedeao, impactent la vie des populations vivant le long de la frontière avec le Sénégal.
Situé à 80 km de la ville de Kayes, Diboli est la dernière ville malienne frontalière du Sénégal. Sur ce corridor commercial, très important pour les deux pays du point de vue économique, les échanges ont subi un coup sévère depuis l’imposition des sanctions économiques et financières contre le Mali.
Ce vendredi 14 janvier 2022, à 10h30, nous sommes entrés dans la ville de Diboli pour observer la situation à la frontière entre le Mali et le Sénégal. Un peu plus loin du pont qui sépare les deux pays, se trouve Kidira, ville sénégalaise qui a des liens étroits, humains et commerciaux avec Diboli. Mais, depuis l’entrée en vigueur des sanctions, la vie tourne au ralenti.
« Une affaire entre les dirigeants »
Avant la fermeture officielle des frontières, les habitants des deux localités frontalières effectuaient à longueur de journée des aller-retour sans difficulté. Mais, depuis le 9 janvier, tout a changé. « Les premiers jours, les Sénégalais avaient tout bloqué parce qu’ils étaient mal renseignés sur les produits concernés par les sanctions. Mais après discussion, ils ont révisé leur position. », explique M. Dramé, directeur de radio à Diboli. Il poursuit : « Les Maliens qui se ravitaillaient en pain à Kidira ont été empêchés de traverser la frontière par les agents sénégalais. Face à cette attitude, les agents maliens, eux aussi, interdisaient l’accès de leur territoire aux Sénégalais qui se ravitaillent à Diboli ».
Autre difficulté observée par les habitants dans ces localités frontalières : la souffrance des voyageurs. Une fois à la frontière, ils doivent traverser le pont à pied pour prendre d’autres bus afin d’arriver à destination. Seuls les Sénégalais qui veulent rentrés chez eux sont autorisés à traverser le fleuve. Il en est de même que pour les Maliens quittant le Sénégal.
Il a été impossible de prendre l’ambiance côté sénégalais. « Nous n’avons rien à dire aux journalistes. C’est une affaire entre les dirigeants », nous lâche un agent de sécurité. Une attitude qui cache mal l’embarras.
Impact économique important
Même si c’est le Mali qui est sanctionné, Madou Dao, président du Conseil communal de la jeunesse de Diboli, affirme que ces sanctions auront un impact économique sur les deux pays. « Cette fermeture de la frontière est inacceptable, car elle nous fait perdre beaucoup d’argent que ce soit à Diboli ou à Kidira. Mais, Kidira perd assez plus que Diboli parce que cette ville est un centre commercial », s’insurge ce jeune qui demande une levée rapide des sanctions.
Du côté des transitaires maliens installés à Diboli, la situation est jugée complexe pour les deux pays. Selon Adama Coulibaly, secrétaire général des transitaires de Diboli, le port de Dakar perdrait assez d’argent à cause de ces sanctions qui limitent le flux des exportations. « Quand il n’y a pas de fluidité à la frontière, les conséquences sont énormes pour le Sénégal et le Mali. D’après les chiffres, le Mali fait plus de 600 milliards de francs CFA de recettes au port de Dakar. Ceci dit, autant le Mali a besoin du Sénégal, autant le Sénégal a aussi besoin du Mali », assure-t-il.
Dans la première semaine des sanctions, au moins 400 camions, y compris ceux qui transportaient des produits de premières nécessités, non concernés par lesdites mesures, ont été immobilisés à Kidira. « Après des tractations à la frontière, a confié M. Coulibaly, la plupart de ces camions ont pu quitter Kidira pour rejoindre le Mali ».
Pour les camionneurs transportant les marchandises ciblées par les sanctions, leurs chauffeurs devront attendre encore jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée. L’un des chauffeurs, rencontré sur place, ne cache pas sa colère : « Nous sommes des pères de famille. Comment allons-nous prendre en charge nos familles pendant que nous sommes bloqués depuis des jours à la frontière ? Tous les pays voisins du Mali doivent l’aider, et non lui fermer leurs frontières, car les décisions politiques ne doivent pas influer sur la vie des pauvres populations qui ne demandent qu’à vivre de leur effort », s’indigne-t-il.