#ClassiquesMaliens : pourquoi relire « Le devoir de violence » de Yambo Ouologuem ?
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#ClassiquesMaliens : pourquoi relire « Le devoir de violence » de Yambo Ouologuem ?

« Le Devoir de violence » a valu à Yambo Ouologuem le prix Renaudot, devenant ainsi le premier écrivain africain à recevoir cette prestigieuse distinction. Il y a trois ans, le 14 octobre 2017, s’éteignait celui qui est considéré comme l’un des grands écrivains africains.

Le Devoir de violence est « le récit de l’aventure sanglante de la négraille », considérée comme des « hommes de rien ». Pour certains, leur histoire commence dans la première moitié de notre siècle. Mais « la véritable histoire commence beaucoup, beaucoup plus tôt », selon Ouologuem.

Dans Le Devoir de violence, Yambo Ouologuem parle d’un empire imaginaire appelé le Nakem. Son histoire s’étale de la période précoloniale à celle des indépendances : de la domination des notables africains à la colonisation occidentale en passant par la conquête arabe. Ces étapes sont marquées par des violences.

Yambo Ouologuem porte donc un regard critique sur tout ce parcours historique : règne tyrannique et sanguinaire de Saïf Moché Gabbai de la Honaïne, la dynastie des Saïfs ainsi que les puissances coloniales, lesquelles, écrit l’auteur, « arrivaient trop tard déjà, puisque, avec l’aristocratie notable, le colonialiste, depuis longtemps en place, n’était autre que le Saïf, dont le conquérant faisait — tout à son insu ! — le jeu ».

Il donne ainsi à lire une critique de l’histoire de l’Afrique marquée par la pratique de l’esclavage, de la sorcellerie, de l’homosexualité, de l’inceste, de l’anthropophagie, des guerres seigneuriales, de l’aristocratie et de la tyrannie, la corruption.

Rupture

Selon Christopher Wise, préfacier de la réédition du roman aux éditions Le Serpent à plumes en 2003, « la réception critique du roman de Yambo Ouologuem […] constitue l’un des chapitres les plus intéressants de l’histoire de la littérature africaine. » De fait, Ouologuem opère une rupture avec roman iconoclaste, qui prend le contre-pied du discours visant à donner de l’Afrique une image idyllique, bucolique pour ouvrir « la voie à une littérature plus authentique ».

La suite est connue : une accusation de plagiat est portée contre lui, dénonçant les similitudes avec Le dernier des justes (André Schwarz-Bart), C’est un champ de bataille (Graham Greene). Les emprunts concernent aussi Rimbaut, Flaubert, la Bible, le Coran. « En réalité, l’accusation ne tient pas debout parce que les textes qu’il reprend sont des emprunts qui sont retravaillés. Si Yambo Ouologuem reprend, c’est pour donner du sang neuf. Il y a donc une réécriture dans tous les sens du terme, au plan des mots, des images, du contenu qui fait qu’on ne peut pas parler de plagiat. », explique Mamadou Bani Diallo, critique littéraire et professeur de lettres à la retraite.

« Destinée littéraire fulgurante »

Le roman a pu survivre grâce notamment aux nombreuses traductions dont il a fait l’objet, mais aussi parce qu’il « est devenu le sujet d’innombrables thèses, dissertations, articles et chapitres ».

En 2018, un an après son décès, la maison d’éditions Le Seuil  a réédité le roman, avec le concours de sa fille Awa Ouologuem, en le réintégrant dans la collection « Cadre Rouge » où il avait originellement paru en 1968. Outre Le devoir de violence, Yambo Ouologuem est l’auteur de plusieurs œuvres dont Lettre à la France nègre ( Éditions Nalis, 1969 et Le serpents à plumes, 2003)  Les mille et une Bible du sexe (Dauphin 1969, Vents d’ailleurs 2015).

Pour Mamadou Bani Diallo, Yambo Ouologuem a contribué à renouveler le genre romanesque en introduisant beaucoup d’éléments comme les récits traditionnels, les paroles de créneau, les chroniqueurs arabes et africains, la Bible, le Coran et beaucoup de textes européens et africains. « Yambo Ouologuem a été l’un de ceux qui ont révolutionné l’enseignement de la thématique, mais aussi de l’esthétisme ». Quoi qu’il en soit, Ouologuem connut « une destinée littéraire fulgurante, frappée du sceau du malentendu, sinon du drame » (J.-P. Orban, Sami Tchak).

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