La Covid-19 a entrainé un bouleversement énorme dans tous les domaines : économique, politique, social mais aussi psychologique. Même si on ne le dit pas assez, des cas de victimes psychologiques existent au Mali et ne sont pas à négliger.
La Covid-19 a créé beaucoup de dégâts dans le monde. Des millions de vols commerciaux ont été annulés, entrainant une perte énorme pour les sociétés de transport aérien. Le coût du pétrole a drastiquement chuté. Le confinement, dans plus de 80 pays, occidentaux pour la plupart, a entrainé ainsi l’arrêt de beaucoup d’activités, empêchant les sorties pour aller travailler, les rencontres dans les restaurants, les cinémas, les boites de nuit. Ce brusque chamboulement des habitudes de vie a aussi engendré des effets psychologiques sur les populations.
Dès la fin du mois de janvier 2020, le Centre de santé mentale de Shanghai a décidé de mesurer les effets psychiques de cette crise sanitaire. Selon les premiers résultats, publiés le 6 mars 2020, l’isolement a touché de très nombreux Chinois, bouleversant souvent leur vie quotidienne, sociale, professionnelle et familiale, et provoquant pour certains des troubles anxieux allant parfois jusqu’à la peur, la panique ou la dépression. Un questionnaire d’auto-évaluation était librement accessible dans tout le pays via la « plateforme d’évaluation psychologique intelligente » de Suivo. Il visait à mesurer la prévalence et la gravité de l’anxiété, de la dépression, de changements cognitifs, de comportements d’évitement ou compulsifs.
Sentiment permanent d’être contaminé
Dans le contexte africain et particulièrement au Mali, où la population n’a pas été confinée, pourrait-on imaginer des cas de victimes psychologiques ? Dr. Joseph Traoré, psychiatre au Centre hospitalier universitaire du Point G, à Bamako, que nous avons interrogé, affirme qu’il existe évidemment des cas de victimes psychologiques de la crise sanitaire, même s’ils ne sont pas nombreux. Parmi ces cas, il y a la naissance chez certaines personnes du sentiment permanent d’être contaminées.
Ce sentiment crée, en elles, une angoisse qui les empêche même de dormir. Il y a d’autres personnes chez qui nous avons nous-mêmes constaté que, dès qu’elles se sentent un peu fiévreuses, commencent à paniquer et imaginent la présence de la maladie dans leur organisme. Ou encore lorsqu’elles commencent une toux ou sentent une petite douleur dans la gorge, la panique commence.
Phobie de la maladie
Traoré ajoute le risque qu’il y a pour certaines personnes de perdre l’habitude de serrer les mains ou de faire la bise. Même après la crise, il y a le risque que certaines personnes développent la phobie de la maladie et continuent de ne plus serrer les mains, car craignant toujours d’être contaminées.
Nous avons échangé avec une voisine, mariée à un neurochirurgien qui travaille dans l’un des grands hôpitaux du Mali. Contrairement aux autres habitants du quartier, il a décidé de confiner sa famille. Sa femme et ses enfants ne sortent qu’en cas de force majeure. Sa femme se rend une seule fois au marché dans la semaine et avec toutes les précautions qu’il faut : gans, masque, utilisation du gel hydroalcoolique au retour du marché.
Elle avoue qu’elle ne comprend pas cette attitude de son mari qui, selon elle, exagère : « Il a fini par nous traumatiser. Même lorsque notre aide-ménagère va à la boutique pour les achats, elle doit aller avec du gel hydroalcoolique que le boutiquier doit appliquer d’abord sur ses mains avant de la servir. » Elle dit en avoir marre de cette nouvelle vie trop contraignante : « Il faut que cette maladie prenne fin rapidement afin que nous reprenions nos habitudes. »