Pour le blogueur Seydou Sylla, outre qu’ils ont vraiment révolutionné le monde, les réseaux sociaux ont aussi une influence considérable sur la décision des jeunes à immigrer de façon clandestine.
Assis autour du thé sous un manguier avec ses amis, Dramane Diarra, 22 ans, regarde les dernières photos publiées sur Facebook par ses amis arrivés en Espagne par la mer. Ces images, dans une capitale européenne, lui donnent envie de tenter l’expérience. « Regardez cette photo-là, c’est un ami, il est actuellement en Espagne dans un bon restaurant. Cela veut dire que tout va bien là-bas, il mange très bien. Moi aussi, je veux partir, peu importent les conséquences. Je veux aller découvrir ce qui se passe là-bas, en Europe », dit-il.
Sékou Coulibaly, un de ses amis, s’invite dans la discussion : « Ma décision est prise, ce n’est pas à négocier. Je vais partir pour l’Espagne, j’ai des amis là-bas. Sur WhatsApp, un d’eux m’a dit qu’il avait un bon travail, une voiture, une maison, qu’on peut trouver facilement du travail sur place. »
Un véritable « bluff »
Les réseaux sociaux ont un impact considérable sur le périple des jeunes qui décident de « tenter l’aventure », comme on dit ici, pour un avenir meilleur. Au Mali, nombreux sont les jeunes qui empruntent la voie de la migration irrégulière à cause de ce qu’ils voient sur les réseaux sociaux. « La migration provoque la migration », selon la formule de Bréma Ely Dicko, chef du département socio-anthropologie de la Faculté des sciences humaines et des sciences de l’éducation (FSHSE).
Comme Ousmane, un jeune malien qui vit en France, beaucoup de migrants publient des photos qui sont loin de l’environnement dans lequel ils vivent. Son ami Amidou Diallo a fini par découvrir que toutes les images qu’ils recevaient de lui étaient un véritable « bluff ». Pourtant, il voulait lui aussi tenter sa chance en Europe. « Ousmane publie régulièrement des photos qui le montrent dans des endroits chics, mais j’ai fini par découvrir que c’était de la tromperie, parce qu’il travaille au noir. Il n’a aucun papier, pas de logement et passe la nuit souvent dehors. Il peut inciter d’autres jeunes à tenter le chemin de la migration irrégulière », prévient Amidou.
Beaucoup de migrants cachent leur situation, parce qu’ils craignent d’être la risée des parents et des amis. Mariam Sangaré est gérante d’une alimentation. Le benjamin de sa famille est allé tenter sa chance en Europe en rêvant d’une vie meilleure. Pourtant, chaque matin, sa sœur ainée reçoit de lui des messages de détresse : « Il me demande chaque fois de faire des bénédictions pour lui, parce qu’il a des soucis. En lui demandant pourquoi il poste des photos qui ne reflètent pas sa situation réelle, il me dit qu’il a honte que les parents apprennent qu’il n’a pas de boulot là-bas. »
La solution par la sensibilisation
A Bamako, l’Association des blogueurs du Mali (ABM) travaille à sensibiliser les jeunes sur le fait que l’Europe n’est pas un eldorado, surtout après avoir constaté, selon son président, Issoufi Dicko, qu’à travers les réseaux sociaux il y a une hausse du nombre de départ des jeunes. Sans statistique pour le vérifier. « Il ne faut pas que les jeunes pensent qu’en partant d’ici les choses vont s’améliorer. Il faut qu’ils travaillent dur, c’est ce que nous essayons d’expliquer aux jeunes à travers des publications sur les pages respectives de nos membres, attirer aussi l’attention des pouvoirs publics sur le manque de politique. »
Il n’existe pas de données exactes sur le nombre de Maliens qui tentent de rejoindre l’Europe dans la clandestinité. Mais chaque année, des centaines de Maliens sont rapatriés de la Lybie, pays par lequel ils passent pour rallier l’Europe où on leur « fait miroiter les chances, fausses, d’une réussite ». Or, de plus en plus, l’Europe les « repousse comme on décline une offre » et « veut se débarrasser d’eux par tous les moyens, y compris en les laissant se noyer dans la mer ».