2018, c’était le cultissime Dr Mukwege. Cette année, c’est Ahmed Abiy. Cet autre grand réparateur, à 43 bornes et deux ans de magistère, rejoint Anouar Sadate, Nelson Mandela, Desmond Tutu, Frederic De Klerk, Hellen Sirleaf Jonhson sur la liste des politiques africains couronnés par le prix Nobel de la paix.
Un exploit à la mesure de celui que signa le Premier ministre éthiopien en brisant la glace de vingt ans entre Addis Abeba et Asmara. Pour rappel, outre un gouffre financier prohibitif pour les économies fragiles des belligérants, cette guerre causera la mort de dizaines de milliers de personnes.
En juillet 2018 pourtant, Ahmed Abiy osa et depuis la hache de guerre est enterrée entre les frères ennemis. Qui l’eût cru ? Les coups de poker du dirigeant éthiopien né coiffé ne s’arrêtent pas là. Il a été installé en pleine turbulence dans la région Oromo. A la date d’aujourd’hui, on peut bien constater une accalmie sur ce front auquel Abiy s’est attaqué d’entrée de jeu. Somalie, Soudan, la diplomatie triomphante d’Addis Abeba fait feu de tout bois dans une Corne de l’Afrique volatile.
Tout semble réussir au jeune Premier ministre. Pourquoi ? D’abord parce que l’Éthiopie de 2019 n’est pas celle du Derg. Entre les deux, il y eut une longue négociation portée par Melesse Zenawi, qui comprit que l’ouverture était inévitable même si c’est à dose trop homéopathique pour certains. La transition impulsée sous Melesse continua sous Dessalegn, avec un taux de croissance à deux chiffres, le visage complètement transformé de l’Éthiopie et une ruée des investisseurs a faire pâlir d’envie. Abiy est arrivé donc au bon moment et au bon endroit. Ce qui ne gâte rien, il a un look de golden boy et il est jeune sur un continent où l’âge du capitaine éloigne les assureurs. Mieux Abiy est l’homme des synthèses heureuses. Musulman par son père, Oromo marié à une Amhara, chrétien par choix, il symbolise la diversité et la rage de vaincre de la nouvelle Éthiopie. A cet égard, sa distinction est un blâme contre la gouvernance généralement immobiliste qui prévaut en Afrique et un clin d’œil à une génération qui sait que le modèle est plus Singapour que Paris, Séoul que Londres.