Dérive. Socle de l’éducation des enfants dans un passé récent, au Mali, des familles sont en phase de devenir des nids de délinquants intouchables.
Dans chaque famille ou presque, on en compte un ou deux. Déscolarisés pour la plupart, ces jeunes, dans la vingtaine, passent le clair de leur temps à braquer, voler, violer ou escroquer. Et si jamais, ils venaient à être interpellés par la police, les parents sont les premiers à les défendre, à se dresser contre les victimes. Et ce, même si les victimes sont des membres de la même famille.
Au nom de la fraternité, des liens familiaux, le coupable est défendu, protégé par ses parents. Les proches qui tentent de dénoncer ou critiquer ces délits, dans l’intention de mettre les auteurs sur le droit chemin, s’attirent la foudre des parents biologiques.
Suspect numéro un
Habibatou en sait quelque chose, elle qui s’est fait dérober l’argent de sa tontine par une cousine, il y a quatre ans de cela. La jeune coiffeuse avait adhéré à une tontine afin de réaliser des économies pour son mariage. « Lorsque que j’ai eu l’argent de la tontine, ma cousine, en complicité avec une amie, a volé mes 400.000 FCFA le lendemain même », témoigne-t-elle.
Comme c’est souvent le cas, en général le suspect numéro un est connu dans la famille. Mais personne n’ose le dénoncer. Habibatou va passer outre en convoquant sa cousine et son amie au commissariat. Les suspects passeront aux aveux et remboursent l’argent. « Depuis ce jour, ma tante ne m’adresse plus la parole. Si c’était à refaire, je n’hésiterai pas », tranche Habibatou.
« Qui aime bien châtie bien »
Salif Soumano, quinquagénaire, n’est pas surpris par ces mutations sociales. « Ce n’est pas étonnant qu’on en arrive là aujourd’hui, dans nos familles. Celui qui ose corriger l’enfant d’un autre est directement réprimandé par les parents biologiques. Tout le monde donne raison à son enfant », déplore-t-il.
« Un soir, mon neveu a tenté de violer l’aide-ménagère de ma femme. Je l’ai emmené à la police pour qu’ils lui donnent une bonne correction. Après coup, toute la famille m’a traité de monstre et de mauvais oncle. Son père, qui est mon frère ainé, a convoqué une réunion de famille pour m’interdire d’intervenir dans l’éducation de ses enfants », raconte M. Soumano.
L’enfant est un cadeau du ciel. C’est le plus précieux qui puisse exister. Les parents doivent le chérir et le protéger. Mais l’amour pour son enfant ne devrait amener aucun parent à causer du tort aux autres ou à sa propre progéniture. « Qui aime bien châtie bien », nous enseigne l’adage.