Ce qu’il faut savoir sur les écoles catholiques après la fin de la subvention de l’État malien
Iwaria Iwaria
article comment count is: 0

Ce qu’il faut savoir sur les écoles catholiques après la fin de la subvention de l’État malien

Le 3 avril 2025, le gouvernement malien et la Conférence épiscopale du Mali ont signé un protocole d’accord mettant fin à la subvention de l’État aux écoles catholiques. Cette décision marque la rupture d’une convention signée en 1972 entre les deux parties, qui garantissait une prise en charge de 80 % des salaires des enseignants des écoles catholiques par le Trésor public et reconnaissait l’enseignement catholique comme une œuvre d’utilité publique.

Sur les réseaux sociaux, des infox ont circulé affirmant que les écoles catholiques allaient fermer massivement. Qu’en est-il réellement ? Comment les écoles catholiques s’adaptent après sans le soutien financier de l’État ?

Une dizaine d’écoles ont suspendu leurs activités, pas tout le réseau

Selon l’abbé Edmond Dembélé, directeur national de l’enseignement catholique contacté par Benbere, environ une dizaine d’écoles ont suspendu leurs cours sur les 138 établissements que compte le réseau au Mali. « Nous avons vu qu’il fallait suspendre les activités pédagogiques de certaines écoles, surtout dans les zones rurales où les parents ont peu de moyens », explique-t-il.

Les fermetures concernent notamment trois écoles primaires à Sikasso, trois établissements (deux primaires et un lycée) à San, deux collèges à Mopti, et trois ou quatre écoles à Bamako.

Certaines ont déjà rouvert sous d’autres formules, par exemple à Somo et Togo, dans le diocèse de San, où les écoles fonctionnent désormais sous la responsabilité des collectivités territoriales. « C’est une suspension provisoire, d’un à deux ans, le temps de se réorganiser », précise l’abbé Dembélé.

Quelles sont les stratégies d’adaptation de certaines écoles

Avec la fin de la subvention de l’État, l’Église catholique a été obligée de revoir le modèle de fonctionnement de ses écoles. « Nous étions privés-conventionnels grâce au soutien de l’État. Désormais, nous redevenons privés-privés, fonctionnant sur la base de nos propres ressources », explique l’abbé Dembélé.

Les grands établissements comme le Lycée Prospère, Notre-Dame du Niger ou Pie XII ont rouvert dans des conditions difficiles. Pour compenser la perte du financement public, les écoles ont revu leurs tarifs à la hausse. « Les augmentations vont de 50 % à 100 %, selon les localités », reconnaît le directeur de l’EPC. C’est le cas notamment de l’école de la cathédrale à Bamako, dont les frais de scolarité sont passés de 101.000 FCFA à 185.000 FCFA, selon un parent d’élève.

Les écoles urbaines, où les familles disposent de plus de ressources, affichent les hausses les plus fortes, tandis que celles en milieu rural tentent de moduler les coûts. L’objectif, selon l’Église, est de payer des salaires plus décents aux enseignants.

Que prévoit le protocole du 3 avril 2025 ?

La fin du partenariat financier a provoqué retards de salaires, incertitude et tensions sociales. « Depuis 2024, nous connaissons des retards de salaires, parfois trois mois sans paiement. Beaucoup de familles sont dans la précarité. », explique Mathias Sylla, secrétaire général du syndicat de l’enseignement privé catholique (SYNTEC) à Koulikoro.

Pour réagir à la fin de la subvention, l’enseignement catholique a licencié des centaines d’enseignants qui intervenaient dans ses écoles, avant de présenter un nouveau contrat à ceux qui acceptent les nouvelles conditions. Les syndicats dénoncent un nouveau contrat de travail jugé opaque. Certains enseignants affirment n’avoir jamais vu le document avant d’être invités à y adhérer.

Makandian Kamissoko, enseignant au Lycée Pie XII de Koulikoro, parle d’un déclassement : « Des professeurs qui gagnaient plus de 350 000 F CFA se voient proposer 150 000 ou 200 000 F. Nous refusons de signer. » Les syndicalistes demandent à l’État de redéployer environ 1 600 enseignants dans la fonction publique ou les collectivités. Le SYNTEC a saisi le Tribunal du travail pour faire respecter ses droits.

De son côté, l’abbé Dembélé affirme que les procédures légales sont suivies :« Nous travaillons dans le respect des lois. Si la loi prévoit des droits ou indemnités, ils seront payés. »

Il dit aussi vouloir rétablir la confiance :« Les enseignants sont les premiers acteurs de nos écoles. Ce qui se passe est provisoire. Nous les invitons à reprendre le travail. »

Signé le 3 avril 2025 par le ministre de l’Économie et des Finances, Alousseni Sanou, pour le gouvernement, et par Mgr Augustin Traoré, évêque de Ségou et président de la Commission Enseignement de la Conférence épiscopale du Mali, le protocole d’accord stipule que, malgré la fin de la subvention financière, les deux parties « s’engagent à coordonner leurs actions et à tout mettre en œuvre pour la poursuite des activités pédagogiques au bénéfice des élèves ». Le gouvernement s’engage également à prendre en charge 50 % des éventuelles indemnités de licenciement du personnel enseignant qui résulteraient de l’arrêt des subventions.

Ce que represente l’enseignement catholitique au Mali

L’enseignement catholique malien regroupe 138 établissements : une trentaine de jardins d’enfants, une soixantaine d’écoles primaires, une quarantaine de collèges, cinq lycées, cinq écoles professionnelles et l’université catholique.

Présentes dans 12 régions du pays, les écoles catholiques appliquent le programme officiel de l’État et sont ouvertes à tous les élèves, sans distinction de religion ni d’origine. « Près de 90 % de nos élèves sont musulmans, et la moitié des enseignants ne sont pas chrétiens », souligne l’abbé Dembélé. Même sans subvention, le partenariat institutionnel avec l’État n’est pas rompu : les enseignants fonctionnaires continuent d’y exercer en attendant de nouveaux recrutements.

Créé en 1889 avec la première école de Kita, l’enseignement catholique au Mali a pris de l’importance après 1945 avec la création de nombreuses écoles et structures de formation. Depuis l’indépendance, ses conventions avec l’État en font un des piliers du système éducatif malien.

Contrairement aux rumeurs qui ont circulé sur les réseaux sociaux, la majorité des écoles catholiques n’ont pas fermé. Seule une minorité d’établissements (une dizaine sur 138) ont suspendu leurs activités pour se restructurer après la fin du financement public. L’enseignement catholique reste un acteur majeur du système éducatif malien, confronté toutefois à une période d’ajustement financier et social.

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion