A la Une : le village de Bounti endeuillé dans le centre du Mali
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A la Une : le village de Bounti endeuillé dans le centre du Mali

Une vingtaine de personnes ont été tuées dimanche dans des frappes aériennes, alors qu’elles participaient à une cérémonie de mariage à Bounti, un village dans le centre du Mali. 

« La nouvelle année commence dans le sang et les larmes comme la précédente s’est achevée » , titre L’Indicateur du Renouveau. Selon le quotidien bamakois, plusieurs civils ont perdu la vie dans les frappes aériennes qui ont visé Bounti, village peul situé dans le cercle de Douentza. Le drame est survenu dimanche en pleines réjouissances de mariage. Un hélicoptère non identifié a ouvert le feu sur les civils. « Jusqu’où le Mali va sombrer, s’interroge le journal. Il y a quelque chose de désespérant à assister au scénario répétitif et cauchemardesque d’un pays abonné à des régulières crises et qui peine à en sortir. »

« Pour l’instant, le motif de ces frappes reste inconnu de la population », renchérit le Studio Tamani sur son site internet. « Mais selon des sources locales, ces frappes ont été effectuées par un hélicoptère non identifié. Si les autorités communales de la localité affirment la mort de plusieurs civils, note la radio, d’autres sources annoncent 18 personnes tuées et des blessés. Elles affirment que les blessés ont été transportés au district sanitaire de Douentza. »

Du côté de la Direction de l’information et des relations publiques des armées (Dirpa), les responsables disent avoir appris cette information, mais ils n’ont pas souhaité en dire d’avantage, déplore le journal.

Les armées nient 

Même son de cloche du côté de forces françaises de l’opération Barkhane. Elle affirme avoir frappé des dizaines de jihadistes tandis que des villageois et une association locale parlaient de civils atteints par un appareil non-identifié lors d’un mariage, rapporte RFI. « L’état-major français admet que la force Barkhane a bien mené une opération dans la région de Douentza, non loin du village de Bounti, dimanche 3 janvier. Vers 15h, après une longue manœuvre de repérage, des soldats ont guidé une patrouille de Mirage 2000 dont les tirs ont permis de neutraliser plusieurs dizaines de terroristes.» « Mais l’état-major est formel : le récit d’un bombardement sur une fête de mariage à Bounti ne correspond en rien aux observations effectuées par la force Barkhane. Les ciblages sont des opérations parfaitement maîtrisées, rodées, aucune erreur n’est possible, martèlent les autorités. »

Dans les colonnes du quotidien malien L’Indépendant un haut gradé de l’état-major dément aussi toute implication de l’armée malienne dans ces incidents. « A la date du 3 janvier, aucune opération des FAMa n’a été conduite vers la localité susnommée. Je vous signale qu’il n’y a pas non plus eu de survol de la zone par nos appareils à la date indiquée », rapportent nos confrères, précisant que des opérations antiterroristes sont en cours au centre du pays mais pas dans le secteur de Douentza.

Contactée par Maliweb.net, de son côté, la mission des Nations unies au Mali (Minusma) reconnaît implicitement la réalité de l’attaque. Mais « dans un communiqué laconique», précise le site d’informations, la mission onusienne « confirme qu’elle n’est pas impliquée dans les évènements survenus et que sa Division des Droits de l’Homme a initié une enquête. »

Qui dit vrai ?

« S’agit-il d’une bavure, comme il en arrive parfois dans ce genre d’opération militaire, que l’armée française voudrait grossièrement maquiller  ou plutôt d’une tentative de manipulation de l’opinion menée par les djihadistes eux-mêmes, passés maîtres dans l’art de la désinformation et des fake news », s’interroge l’Observateur Paalga au Burkina. « Allez savoir », ironise le journal. « Quoi qu’il en soit, cette affaire ne va pas arranger l’image de la France et de Barkhane, encore moins les relations de celle-ci avec les populations civiles dont la collaboration est nécessaire à la traque de la vermine terroriste. »

« Cette polémique intervient au moment où depuis de longues années le sentiment antifrançais ne cesse de s’étendre, que ce soit au Mali, au Burkina Faso ou au Niger, au grand dam d’Emmanuel Macron qui avait, il y a une année de cela lors du Sommet de Pau, enjoint à ses homologues du G5 Sahel de faire taire toutes ces voix discordantes qui appellent au départ de l’armée française du Sahel. »

Flou et non-dits

Si en effet, les troupes françaises, comme elles le prétendent, ne sont pas responsables de ce raid, pourquoi n’aideraient-elles pas alors à identifier celui ou ceux qui en sont à la base, s’étonne le Djely en Guinée. « L’État malien ne réalise-t-il pas qu’en tant que garant de la sécurité des Maliens, c’est à lui qu’il incombe de dire à l’opinion publique ce qui s’est réellement passé dans ce village de Douentza ? Ne devrait-il pas déjà diligenter une enquête en vue d’élucider les circonstances de ce drame » ?

De toute évidence, poursuit le journal guinéen, « nous sommes en présence de deux partenaires – le Mali et la France – déterminés à se protéger mutuellement. Quitte à le faire sur le dos et surtout au détriment de la vie des citoyens maliens qu’ils prétendent pourtant vouloir protéger. » « Dans un contexte où les terroristes de la région semblent reprendre du poil de la bête, l’un et l’autre n’ont manifestement pas envie que cette nouvelle bavure serve de prétexte supplémentaire à tous ceux qui émettent déjà de sérieux doutes quant à l’efficacité de la lutte qui est menée contre l’insécurité dans la région. »

« Ils  devraient pourtant savoir que ce n’est ni en niant l’évidence, ni en banalisant la vie des citoyens qu’ils réussiront à convaincre ces derniers de la pertinence et du bien-fondé des actions qu’ils disent mener en leur nom », conclut le site guinéen.

Des combattants jihadistes dûment identifiés grâce à une «masse de renseignements», affirme le porte-parole de l’état-major des armées. Le même jour, des villageois et une association malienne ont dénoncé le bombardement aérien d’un rassemblement de civils, en marge d’un mariage.« Les deux événements ne feraient-ils qu’un ? s’interroge de son côté le journal français Libération. « Si elle était vérifiée, cette hypothèse poserait la question d’une bavure de l’opération française Barkhane au Sahel. L’heure et le lieu, en tout cas, semblent correspondre. »

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