La contestation du président IBK à New York, à Paris ou ailleurs ne fait que nous distraire des vrais problèmes, écrit le blogueur Bokar Sangaré.
Au chapitre de la contestation que subit le président Ibrahim Boubacar Keïta, dit « IBK », depuis sa réélection, ses contempteurs décerneront volontiers la palme aux manifestants de New York et de Paris. Le 27 septembre, nous avons été nombreux à regarder, qui avec le sourire au coin des lèvres, qui en colère, la vidéo où des manifestants crient « IBK, voleur ! », « Honte à toi », « IBK criminel » à l’endroit du président malien en visite aux Etats-Unis dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations unies.
Mais à peine l’épisode de New York relégué aux oubliettes, le 30 septembre, des Maliens à Paris se sont rassemblées pour, disent certains, huer le président à qui ils reprochent des frais d’hôtel élevés et une délégation pléthorique pour un pays en guerre. Les manifestants parlent d’une délégation présidentielle de 150 personnes, alors que le conseiller en communication à la présidence Mamadou Camara évoque « environ 40 personnes ». Certains, notamment sur les réseaux sociaux, ont estimé que ce qui est arrivé à IBK à New York et à Paris était une « honte nationale », qu’en tant que président du Mali il mérite le respect. Un ami m’a soulagé en répondant que « le respect n’est pas un dû : il se mérite ».
Ce ne sont que des incidents
D’autres, moins nombreux et dans une interprétation plus ou moins tendancieuse, ont rapidement conclu à une humiliation pour IBK. Mais à bien y regarder on serait tenté de dire que c’est juste des incidents de plus qui viennent s’ajouter au palmarès des séquences, rares, où les présidents affrontent ou subissent la colère de leurs citoyens. On garde encore le souvenir de la séquence où François Hollande est victime d’un « enfarinage » en règle en 2016 à la Porte de Versailles. Son successeur, Emmanuel Macron, a été sifflé dans le dos au salon de l’agriculture en février 2018. Mais la France n’est pas le Mali, loin de moi donc l’idée de faire une quelconque comparaison, surtout que la différence est qu’IBK était à l’étranger. Mais, il faut dire que ces événements sont venus rappeler à quel point la réélection d’IBK reste sujette à contestation.
Les vrais problèmes sont ailleurs
Ces incidents ne devraient pas nous laisser indifférents, mais il ne faut pas qu’ils soient une distraction pour éloigner notre attention des vrais problèmes. Des milliers d’enfants sont renvoyés dans la rue à Mopti et Ségou parce qu’il n’y a pas d’école, et on se demande ce qu’ils vont devenir demain sinon des potentiels candidats au djihad. La faim abrège des vies à Mondoro, à quelques centaines de kilomètres de Bamako. La saleté défigure les rues et les routes de Bamako. Des policiers qui ont l’uniforme froissée, mal repassée, ne trouvent leur compte que dans le racket.
Des jeunes filent à tombeaux ouverts à moto ou en voiture parce qu’ils n’ont pas reçu les bonnes manières à la maison. La misère dans les hôpitaux, dans les familles. Le chômage du père, de la fille. Et enfin, Bamako, une capitale prétentieuse où tout est concentré et au-delà de laquelle il n’y a que des poussières de petits villages sans eau, sans école, sans hôpital ni électricité, remettant ainsi en question la structure même de l’État.
Voilà les vrais problèmes du Mali. S’il doit y avoir des manifestations, c’est sur ces questions qu’elles devraient porter.