La Société de production des aveugles du Mali (SOPRAM) connait un déficit d’écoulement de ses produits engendré, en partie, par une concurrence des craies en provenance d’un autre pays. La situation inquiète les travailleurs, craignant la fermeture de l’usine et un retour à la mendicité pour survivre.
Créée en 1972, l’Union malienne des aveugles (UMAV) vise à insérer les aveugles et malvoyants dans les circuits techniques et professionnels publics à travers la Société de production des aveugles du Mali(SOPRAM). Spécialisée dans la production de craie, serpillière et meubles, exclusivement conçus par des aveugles, cette unité de l’UMAV emploie plus de 200 aveugles et forme plus de 300 autres à travers ses structures de formations professionnelles.
Depuis sa création, les aveugles travaillent avec des matériaux artisanaux. Ce qui a impacté la qualité de la craie produite. Mais, cette carence a été compensée par l’ambassade de la République de Chine au Mali à travers un important don de matériels de fabrication des craies. Ce qui permet à l’unité de production, depuis quarante ans, de pouvoir couvrir les besoins sur l’ensemble du territoire malien, en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale, son principal client.
Survie menacée
Les aveugles n’ont d’autres débouchés que l’usine ou le recours à la mendicité. Le travail à l’usine leur permet de subvenir à leurs besoins fondamentaux. De même, il contribue à leur épanouissement socioéconomique. « C’est grâce à ce travail que je parviens à subvenir aux besoins de mes enfants. Actuellement, la situation de l’usine me préoccupe, car ça fait plusieurs mois que je suis sans salaire », nous a confié un employé de la SOPRAM.
L’usine, en plus d’insérer les malvoyants, valorise également la production locale. Parce que la craie produite a toujours été bien appréciée par les consommateurs. Mais, ces dernières années, elle fait face à une concurrence rude, mettant sa survie en danger.
Déficit d’écoulement
Aujourd’hui, la SOPRAM connaît un déficit d’écoulement de ses marchandises à cause de l’inondation du marché par des craies en provenance notamment de la Chine. Ces craies se vendent à des prix défiant toute concurrence. Certaines écoles continuent tout de même à s’approvisionner à la SOPRAM par solidarité.
« Les craies fabriquées par les aveugles sont de bonne qualité, c’est pourquoi j’en achète pour approvisionner mon établissement scolaire. Cela traduit également mon intention de participer à la valorisation de nos produits industriels. Et j’aide également à gonfler la clientèle de la SOPRAM dont les travailleurs sont des aveugles qui ont du mal à avoir d’autres débouchés », compatit M. Diallo, promoteur d’école privée à Faladiè, le quartier qui abrite l’usine, en commune V du district de Bamako.
« Suppression de postes »
À la concurrence, est venue s’ajouter la limitation des commandes provenant des écoles privées de l’intérieur du Mali, dont beaucoup se sont tournées vers les craies chinoises pour leur coût plus abordable et leur qualité.
« Depuis la création de l’usine, nous n’avons jamais enregistré un tel recul d’écoulement de nos produits. L’usine tourne suivant les fluctuations de la demande, nettement au rabais, du fait des craies chinoises qui pullulent partout sur le marché », constate le directeur général de la SOPRAM, M. Diarra. Avant de redouter que cette situation difficile ne signe l’arrêt de cette usine, primordiale pour l’épanouissement socioéconomique des handicapés visuels au Mali.
Appel à l’aide
Leurs principaux clients, à savoir l’État et les propriétaires d’écoles privées, ont cessé leurs contrats de fourniture de craies, selon le responsable de l’usine qui doit faire face dans ce contexte de crise aux factures d’eau, d’électricité, aux impôts et à la cotisation liée à l’Institut nationale de prévoyance sociale (INPS) : « Nous sommes dans une situation très critique, car nos employés sont à quinze mois sans salaire. Si la situation n’évolue pas, nous risquerons de procéder à la suppression de certains postes », regrette le chef des opérations commerciales à la SOPRAM.
Les travailleurs de l’usine tentent de surmonter la situation grâce à une solidarité interne qui a consisté à mettre en place un fonds de résilience. L’appel à l’aide de la SOPRAM est timidement entendu, selon les responsables de la société. Si l’État ne fait rien pour empêcher cette concurrence « déloyale », nos travailleurs aveugles risquent de reprendre la sébile et retourner à la mendicité.