Témoignages : « Si j’avais eu quelqu’un pour me conseiller sur la santé sexuelle et reproductive, je n’en serais pas là »
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Témoignages : « Si j’avais eu quelqu’un pour me conseiller sur la santé sexuelle et reproductive, je n’en serais pas là »

D., A.I.S., T.A.T. sont toutes originaires de Mopti. Elles ont en commun d’avoir contracté des grossesses précoces. Qui plus est, elles déplorent le fait d’avoir manqué de personne pour les conseiller sur la santé sexuelle et reproductive.

Nous vous donnons à lire trois témoignages, trois morceaux de vie qui rappellent l’impérieuse nécessité de l’éducation sexuelle et de la planification familiale. Et surtout l’ampleur des besoins non satisfaits pour espacer ou limiter les naissances chez les adolescentes et jeunes à l’intérieur du Mali.

« Erreur de jeunesse »

« J’ai eu mes premières règles à 14 ans. Après cette étape cruciale de la puberté, j’ai essayé par tous les moments d’aborder avec ma maman des sujets en rapport avec la santé de la reproduction pour qu’elle puisse me conseiller, sans y parvenir. Elle me repoussait tout le temps ou changeait de sujet. A 15 ans, j’ai commencé à sortir avec un garçon de mon école. Ma tante ayant appris la nouvelle a décidé d’aller me faire planifier, mais par peur de ce que les gens allaient dire, ma mère s’y était opposée. Peu de temps après, je suis tombée enceinte. Mon copain a refusé de reconnaître ma grossesse. Je suis devenue une fille –mère, et mes études furent interrompues.

J’avais essayé d’avorter sans succès. Ensuite, j’ai eu des complications. Les médecins m’ont conseillé de rester mobile jusqu’à l’accouchement. Après un difficile accouchement, il fallait également s’occuper du bébé, venu au monde avec des maladies. Je me suis investie dans le commerce. Aujourd’hui encore, j’ai des regrets. Si j’avais eu quelqu’un pour me conseiller sur la santé sexuelle et reproductive, je n’en serais pas là. Je continue toujours de souffrir de cette erreur de jeunesse. Ma fille, quant à elle, est indexée par les gens. Tandis que moi, on me regarde par le coin de l’œil. »

« Peur d’aller dans les centres de santé pour nous faire planifier»

« Parler ou utiliser de  méthodes de contraception, c’est comme si tu commets un crime chez nous. Nous n’avons pas les bonnes personnes pour nous conseiller. A Mopti, tout le monde se connait. Ce qui fait que, nous, les jeunes filles, avons peur d’aller dans les centres de santé pour nous faire planifier. Parce que non seulement tu seras taxée d’être de mœurs légères, mais aussi la risée de tous. Beaucoup d’entre nous tombent enceinte ou sont contaminées par des infections sexuellement transmissibles.

Actuellement, je porte ma deuxième grossesse. La première est survenue parce que mon partenaire ne voulait pas de protection. Il disait que le fait d’utiliser le préservatif diminue le désir sexuel. Je me suis laissé convaincre. Le résultat n’a pas tardé. Quelques mois après, on m’annonce que je suis enceinte. Le médecin m’a dit de me planifier après délivrance.

Malheureusement, la grossesse se termine par une fausse couche. Dès mon rétablissement, je suis allée dans une localité voisine me faire planifier discrètement. Un soir, une des amies remarque l’implant sur mon bras qui commençait à se gonfler. Comme une traînée de poudre, la nouvelle fait le tour de la ville, m’obligeant à retirer le contraceptif.

Voilà qu’à nouveau je contracte une grossesse sans le vouloir. Sans oublier les nombreuses infections sexuelles que j’ai contractées ces dernières années. Je suis sur le point de donner naissance à un enfant non désiré. Je viens de passer à côté d’une jeunesse épanouie alors que je pouvais éviter cela. »

« Le temps où une seule femme met au monde une équipe de foot… »

« Je suis admise au Diplôme d’études fondamentales (DEF) à peine 14 ans. Alors que je me préparais à fond pour le lycée, on décide de me donner en mariage. Un an plus tard, je donne naissance à mon premier enfant, à seulement 15 ans, un peu moins que l’âge légal du mariage au Mali.

Comme je tenais tellement aux études, sur les conseils d’une amie paire éducatrice, j’avais envisagé d’utiliser une méthode moderne de planification familiale. Mais à ma grande surprise, mon mari s’y est opposé.  La situation me dépassait largement, parce que mon homme ne voulait pas comprendre que la planification familiale n’a aucun impact négatif sur les naissances.  Au contraire, le fait de marquer une pause entre les grossesses, permet non seulement à la femme de se reposer mais aussi aux enfants de grandir normalement, en bonne santé.

Mon mariage a failli partir en fumée. Mon conjoint pensait que je ne voulais plus mettre au monde des enfants. Il est allé jusqu’à me soupçonner d’infidélité. Du coup, j’ai abandonné ce projet. Maintenant, âgée de 22 ans, j’ai 3 enfants, et je suis enceinte du 4e. Mais aussi, je suis devenue une femme au foyer. Mes études se sont limitées en terminales. A toutes mes sœurs, prenez en main votre vie sexuelle. Ne vous laissez pas intimider, parce que c’est votre droit. Nous ne sommes plus au temps où une seule femme met au monde toute une équipe de foot avec des remplaçants »

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