Théâtre au Mali : chronique d’un désamour ancien
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Théâtre au Mali : chronique d’un désamour ancien

Le théâtre nous parle de nos comportements dans la vie de tous les jours et nous appelle à méditer, à vivre, à sentir. Un art qui, hélas, suscite peu d’intérêt aujourd’hui au Mali, selon le blogueur Lamissa Diarra. 

Le théâtre est bien le miroir de la société. Il éblouit par ses enseignements, fait frissonner par ses émotions. Il enseigne, éduque. Par cet art, le dramaturge dépeint son environnement, son monde, sa société. Il alerte, avertit et conseille. Mieux, il invite à un changement de comportement.  

Même s’il se dit à juste titre que le théâtre est l’art de l’exagération, les professionnels du métier ont pour habitude de dire qu’on ne ment pas dans le théâtre. Les actions qui se passent sur une scène de théâtre, censées exprimer la réalité telle qu’elle est, sont juste parfois poussées à l’extrême afin de véhiculer efficacement le message souhaité. 

Triste sort réservé aux spectacles de théâtre

Les spectacles de théâtre ne drainent plus assez de monde dans notre pays comme avant. Les gestionnaires des salles de spectacle, partout où elles se trouvent, proposent des spectacles pratiquement gratuits. 

Le public y est invité. Mais, hélas, le constat est le même. Dasson Diarra, artiste comédien malien, formé au Conservatoire des arts et métiers multimédia Balla Fasséké Kouyaté, confie qu’il arrive que les artistes paient de leurs poches des tickets d’entrée pour leurs parents et connaissances. « Nous le faisons pour le bonheur de les voir, assis en train d’apprendre de la vie. Mais figurez-vous qu’ils ne viennent pas», dit-il avec une pointe de tristesse dans la voix. 

 

« Le théâtre a fait ses preuves »

Pourtant, le théâtre ne nous est pas étranger dans ce vieux pays de culture et de tradition. Dans les sociétés traditionnelles maliennes, nous avions par le passé le Kotèba, ce grand espace aménagé où tous, vieux et jeunes, hommes et femmes, chefs se retrouvaient la nuit autour d’hommes et de femmes interprétant des rôles de personnes vicieuses ou sages. Ces personnes par leurs comportements de tous les jours sapaient ou consolidaient les valeurs et les principes moraux de la société. Ces scènes représentées sur l’espace public, traitant de tous les sujets de la vie sociale, visaient avec humour et courtoisie, à attirer l’attention des uns et des autres sur leurs comportements au quotidien, et à les inviter à un changement pour le bien-être de toute la communauté. Le théâtre a donc fait ses preuves dans notre société. 

Selon Levis Togo, artiste metteur en scène, ce manque d’intérêt pour le théâtre est dû quelque part à « la convention théâtrale, c’est-à-dire le théâtre à l’italienne, et non sous forme de Kotèba qui est la forme connue de nos populations ». Et Dasson Diarra d’ajouter : « La compréhension des pièces de théâtre représentées dans nos salles de spectacle pose aussi problème. Même s’il existe chez nous des spectacles 100% en langue bamanankan, 90%  des pièces représentées sont en français. Ce qui fait que les non-instruits ont de la peine à comprendre certains passages ». 

Vivre de son art

Menant un combat pouvant déplaire à bien de niveaux, l’homme de théâtre n’espère point bénéficier d’une aide financière étatique, moins inspirée par une volonté de le soutenir dans sa mission d’ éveilleur de conscience collective que par l’achat de sa conscience artistique. 

Le pouvoir de l’homme de théâtre est son public, son auditoire. Alors, comment vivre de son art si on n’a pas de public ? Il n’existe pas d’autres débouchés au Mali pour l’artiste professionnel de théâtre que son public occidental, amateur de son art. Que nos pièces soient écrites et représentées dans une langue autre que celles nationales relève, et à juste raison, du marketing.

En tout état de cause, le théâtre est une école et allons-nous y éduquer. « Le peu de morale que je sais, je l’ai appris sur les terrains de football et les scènes de théâtre qui resteront mes vraies universités. », disait Albert Camus. 

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