À Tombouctou, la Covid-19 a été mal perçue par bon nombre de personnes. Dès qu’on en guérit, il faut faire face à la stigmatisation, estime notre blogueur Youssouf Cissé, qui lui-même est un patient guéri.
Après les affres de la maladie, la lutte contre la stigmatisation est un véritable combat qu’il faut mener pendant la convalescence. « Regardez, c’est Youssouf qui arrive là-bas, le blogueur guéri du coronavirus ». C’est l’une des réactions me concernant entendues après ma guérison.
Je retrouve les rues de mon quartier après une dizaine de jours passés au centre de traitement des malades de la Covid-19. Les premières personnes que je côtoie vident les lieux.
La perception du tombouctien de la maladie est trop négative du fait qu’elle a frappé d’abord en tuant. Il y a aussi le plateau technique peu fourni de l’Hôpital régional de Tombouctou. Néanmoins, avec le temps, nous avons compris que la maladie n’a rien de diabolique. Elle n’est pas plus dangereuse que le paludisme ou la faim qui font des milliers de morts par an, notamment en Afrique.
Peur de la contagion
Lorsqu’on a compris comment se transmet la maladie, chacun essaye de respecter les gestes barrières. Mais, en face d’une personne guérie, les autres fuient de peur d’être contaminés. On oublie que cette personne que l’on fuit est déjà guérie et ne porte plus le virus : « Ils oublient qu’ils sont aujourd’hui ceux dont on doit avoir peur. Nous, au moins, nous avons suivi le traitement. Nous sommes guéris. Qui leur dit qu’ils ne sont pas malades sans le savoir ? Il faut d’abord que tous ceux qui n’ont pas fait leur test aillent le faire et ensuite on pourra parler », s’offusque un patient guéri du virus.
Amadou A. fait partie des premières personnes contaminées à Tombouctou. Dans son quartier, beaucoup l’accusent d’être parmi ceux qui ont importé la maladie dans la région, parce qu’il revenait de Bamako : « Dès que je dis que j’avais attrapé la maladie avant d’arriver à Tombouctou, on me regarde d’un mauvais œil. Il y en a même qui pensent que je suis la première de toutes les contaminations. Il faut qu’on arrête certains comportements à l’égard des personnes guéries », se plaint-il.
Méfiance des proches
Jusque-là, les sensibilisations sont axées sur le respect des mesures barrières. La grande stratégie de communication semble oublier la stigmatisation des guéris de la Covid-19. Les autorités doivent penser à cet aspect pour inverser la tendance.
En ville, certaines personnes pensent que les patients guéris constituent toujours une menace pour leur entourage. « Depuis mon retour en famille, j’ai peur de sortir à cause du regard des autres. Certains se forcent à me parler, mais dans leurs yeux, je lis une sorte de méfiance. Les proches ne se comportent plus de la même manière avec moi », se lamente un de mes compagnons du centre de traitement.