En marge de la journée mondiale des veuves, célébrée le 23 juin, le blogueur Sagaïdou Bilal relate le calvaire des femmes vulnérables ayant perdu leurs conjoints et en proie à des problèmes socio-économiques. Veuvage
Maïmouna, la quarantaine, est mère de cinq enfants. Elle a perdu son époux en 2015. Ce dernier était un commerçant, qui faisait la navette entre Ouagadougou et Mopti. À Ouagadougou, où résidait sa seconde épouse, il rendit l’âme. Son corps est rapatrié à Mopti pour l’enterrement. C’était très dur pour la première épouse, mais en tant que croyante de confession musulmane, elle a fini par se résigner.
Après avoir observé la période de veuvage, elle est retournée dans sa famille. « La famille de mon défunt mari a saisi tous les biens, même la maison où j’habitais. Ils ont récupéré tous les documents des maisons qu’il possédait de son vivant. Certains se sont accaparés certaines maisons et d’autres continuent de percevoir l’argent de ses maisons mises en location », confie-t-elle.
« Quand tu es mariée, les gens te respectent »
Sur les conseils de ses frères, elle a renoncé à revendiquer ces biens car, pense-t-elle, « tout cela est éphémère ». C’est ainsi que ses frères l’ont accueillie chez eux, elle et ses enfants.
Après trois ans passés veuves, elle va se remarier avec un des amis de son défunt mari, lequel a été un soutien de taille dans cette situation douloureuse. À ses dires, elle se sentait contrainte de s’engager à nouveau dans un mariage : « Quand tu es mariée, les gens te respectent et certains hommes n’auront pas le courage de venir te harceler ».
Mais plus tard, après avoir eu une fille avec ce dernier, elle le perdra pour toujours. « Il avait également une autre épouse. Il était chez moi, nous avons échangé, puis il est parti chez ma coépouse pour accomplir sa prière de l’aube. C’est sur sa natte de prière qu’il est mort sans présenter aucun signe de maladie », explique-t-elle.
Le refus du remariage
C’était un choc. Elle n’arrivait pas à se ressaisir. Ce nouveau drame l’a énormément affectée : « Maimouna n’a pas pu accepter cette perte. Elle est tout le temps dépressive, froide et toujours à la maison. Elle ne plus en contact avec les gens comme auparavant. Pire, elle ne souhaite plus se remarier, alors qu’il y a des hommes prêts à l’épouser », confie Khadidia, une de ses nièces.
Cette situation me rappelle un passage du livre de l’écrivaine Djeneba Fotigui Traoré, décrivant tante Natenin dans son roman Les grands fromagers : « Elle a obstinément refusé de se remarier après le décès précoce de son mari. La jeune veuve avait rejeté les nombreux prétendants produits par le lévirat, la religion et la communauté. »
« Si papa était là… »
Comme Maimouna, Fanta, la sexagénaire, a aussi perdu son mari en 2013. Elle vit actuellement à Sebenikoro, un quartier populaire en commune IV du district de Bamako, avec ses enfants. Elle n’allait jamais subir les humiliations de sa belle-famille si son époux était encore là, regrette-elle. « Il m’arrive très souvent de parler de lui, surtout quand je pense à notre histoire ou regarde une photo de lui. Chaque fois que nous traversons des situations difficiles, je ne cesse de répéter aux enfants que si papa était là, les choses allaient être différentes. »
Cette phrase résonne sur les lèvres d’une autre jeune dame, Safia, qui a perdu son mari en 2019. Pour le sociologue Bréma Ely Dicko, il faut accompagner toutes les femmes, avant le mariage, dans le cadre de l’entreprenariat féminin. « C’est un levier d’automatisation. Ainsi, en cas de veuvage, elles seront plus libres dans leurs décisions futures, par exemple le remariage à travers le lévirat, mais aussi tout autre choix relatif à leur épanouissement personnel », propose le sociologue, enseignant-chercheur à l’Université des lettres et des sciences humaines de Bamako.
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