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Fatoumata Dicko : « Combattre la désinformation médicale, c’est aussi sauver des vies »
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Au Mali, la désinformation médicale fragilise la santé publique. Dr Fatoumata Dicko, diabétologue et formée aussi à la communication, met en lumière ses impacts et les solutions pour y remédier.

Comment la désinformation médicale se propage-t-elle principalement au Mali ?

Aujourd’hui, la désinformation médicale se propage principalement via les réseaux sociaux, où les fausses informations circulent rapidement et atteignent un large public. Mais elle ne se limite pas au numérique. Le bouche-à-oreille reste un vecteur puissant, notamment à travers les soi-disant tradithérapeutes et charlatans qui propagent des croyances erronées. Certains médias traditionnels, en particulier les radios, contribuent également à ce phénomène en donnant la parole à des personnes relayant des informations non fondées sur la santé.

Quelles en sont les conséquences sur la santé publique ?

D’abord, cette désinformation érode la confiance entre les patients et le personnel soignant, rendant plus difficile l’adhésion aux traitements médicaux. Ensuite, elle entraîne des retards, voire des refus de soins, car certaines personnes préfèrent éviter les structures sanitaires en raison de fausses croyances. Enfin, elle favorise l’adoption de pratiques dangereuses, comme l’automédication, la dépigmentation ou l’usage de prétendues « recettes miracles » avec soit de l’ail, du citron ou du miel qui peuvent s’avérer inefficace ou causer des dommages.

Quels groupes de population sont les plus vulnérables à la désinformation en matière de santé ?

Les populations rurales et les personnes âgées figurent parmi les plus vulnérables. En milieu rural, l’accès limité aux services de santé et à l’éducation sanitaire favorise la propagation de fausses informations. Les personnes âgées, quant à elles, sont particulièrement exposées via les radios, qui restent leur principale source d’information, mais où circulent malheureusement aussi beaucoup de contenus trompeurs.

Les femmes sont également un groupe à risque, notamment en raison de leur forte consommation de contenus liés à la santé et au bien-être. Des sujets comme la dépigmentation, les secrets de beauté ou les « remèdes naturels » circulent largement dans les cercles féminins et sur certaines plateformes en ligne, renforçant ainsi la propagation de mythes dangereux.

Quel rôle les professionnels de santé et les influenceurs devraient-ils jouer pour contrer ce phénomène ?

Leur un rôle fondamental à jouer est de bien communiquer. La communication médicale devrait être une compétence enseignée dans les écoles de santé et les facultés de médecine, car il ne suffit pas de posséder le savoir, il faut aussi savoir comment le transmettre efficacement.

Les influenceurs, de leur côté, ont une responsabilité importante. Ils doivent collaborer avec des experts de la santé pour s’assurer que les informations qu’ils relaient sont fiables. Ils peuvent être de précieux alliés pour sensibiliser le grand public, à condition qu’ils adoptent une approche rigoureuse et vérifiée.

Le gouvernement aussi doit former les journalistes et les animateurs radio à la communication médicale. La transmission d’une information médicale, même lorsqu’elle est scientifiquement exacte, nécessite des précautions, car une mauvaise formulation peut parfois causer plus de tort que de bien.

Pouvez-vous partager des exemples où la désinformation a eu des conséquences néfastes sur les comportements de santé ?

Prenons le cas du diabète. Il existe une croyance selon laquelle un patient diabétique ne devrait jamais recevoir de sirop de glycose. Or, ce type de traitement peut être nécessaire dans certaines situations, et seul un professionnel de santé est habilité à décider s’il est approprié ou non. Pourtant, dans certains centres de santé, des familles ont refusé ce traitement à leurs proches diabétiques, mettant leur vie en danger.

Un autre exemple marquant est celui du vaccin contre la Covid-19. De fausses informations ont circulé, prétendant qu’il rendait les femmes et les hommes stériles. Une méfiance généralisée et une réticence à se faire vacciner ont freiné la campagne de vaccination et laissé de nombreuses personnes vulnérables face au virus.

Quel rôle les autorités doivent-elles jouer pour améliorer l’accès à des informations de santé fiables ?

Les autorités doivent comprendre que la communication est la pierre angulaire de la lutte contre la désinformation médicale. Il est impératif de structurer les médias afin qu’ils diffusent des informations de santé précises et accessibles. Cela passe par la formation des journalistes et animateurs aux enjeux sanitaires, pour qu’ils puissent traiter ces sujets avec rigueur.

De plus, améliorer l’accès aux centres de santé et renforcer la sensibilisation de proximité sont des leviers essentiels. Le gouvernement doit investir dans la formation des relais communautaires, notamment en milieu rural, où ces acteurs de terrain sont souvent les premiers points de contact avec la population.

Enfin, une politique de régulation des contenus diffusés, notamment sur les radios et les réseaux sociaux, permettrait de limiter la propagation de fausses informations, tout en promouvant des sources d’information fiables et vérifiées. Car combattre la désinformation médicale, c’est aussi sauver des vies.

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