L’Internet, bien qu’étant une source majeure d’information en santé, favorise aussi la propagation de désinformation menaçant la santé publique. La pandémie de Covid-19 a exacerbé ce phénomène. Mamadou Saidou Bah, spécialiste en nutrition et en santé publique, propose de développer des solutions pour lutter contre cette désinformation, notamment par l’amélioration de la communication des acteurs de la santé.
Dans un contexte marqué par une transition rapide des systèmes de communication et une explosion du développement technologique, une nouvelle ère d’information s’est ouverte. L’Internet et ses outils de communication ont brisé les frontières conventionnelles, facilitant une circulation massive d’informations, un phénomène souvent désigné sous le terme d’« infobésité ». De plus, cette technologie a également conduit à une confusion croissante entre le vrai et le faux, donnant naissance à la notion d’« infodémie ».
L’internet est devenu une source privilégiée pour les patients en quête d’informations ou de conseils sur des diagnostics, des maladies ou des traitements. Cependant, ce recours peut générer des sentiments de peur et d’incertitude, en particulier lorsqu’il s’agit de pathologies graves ou de situations de crise sanitaire.
Un phénomène historique
La désinformation en santé n’est pas un phénomène récent. Elle remonte à plusieurs siècles et a marqué des événements majeurs tels que les épidémies de peste au 14e siècle, du choléra au 19e siècle et de grippe au 20e siècle.
Plus récemment, la pandémie de Covid-19 a illustré l’impact des technologies modernes dans la propagation rapide de fausses informations sur la santé publique. Ces fausses allégations – allant des rumeurs sur l’origine du virus aux théories non fondées sur les méthodes de prévention et de traitement – ont alimenté la peur, la méfiance et le rejet des mesures sanitaires.
En dehors des crises sanitaires, des centaines de vidéos circulent également sur les réseaux sociaux, véhiculant des allégations concernant des sujets de santé tels que les aphrodisiaques, les traitements de l’infertilité ou encore les maladies chroniques comme le diabète, l’hypertension et certains cancers. Ces informations, souvent erronées, mettent en danger la santé des populations.
Pistes de solutions
Pour lutter efficacement contre la désinformation en matière de santé, plusieurs pistes peuvent être explorées.
1. Former les professionnels de santé à la communication pour le changement de comportement
Les professionnels de la santé doivent être outillés pour informer efficacement les populations. Une communication claire, accessible et adaptée est la première arme contre la désinformation.
2. Renforcer les capacités des services de communication sanitaire
Les unités de communication des secteurs de la santé doivent être renforcées afin de détecter rapidement les cas de désinformation et d’élaborer des réponses adaptées.
3. Intégrer la communication en situation de crise dans les formations en santé
Les curriculums des professionnels de santé (médecins, infirmiers, pharmaciens, etc.) devraient inclure des modules spécifiques sur la communication en période de crise, afin d’éviter la propagation de rumeurs et d’alimenter inutilement la peur.
4. Sensibiliser les acteurs des médias
Former les journalistes et influenceurs sur les outils de vérification des informations et sur des concepts essentiels comme les médicaments traditionnels améliorés, les potions non validées, les maladies transmissibles et non transmissibles, les boissons énergétiques et énergisantes, etc. Ceci devrait permettre d’éviter les confusions et malentendus.
5. Créer une plateforme institutionnelle d’information sanitaire
Il serait pertinent de mettre en place une plateforme officielle gérée par le ministère de la Santé, dédiée à la diffusion d’informations fiables et de données probantes (bulletins épidémiologiques, alertes sanitaires, etc.). Cette plateforme pourrait également servir à signaler et démystifier les fausses informations.
6. Mettre en place une unité de veille en cas de crise sanitaire
Une cellule d’urgence dédiée à la veille sanitaire pourrait détecter rapidement les rumeurs et désinformations, permettant une gestion plus efficace de la crise.
7. Promouvoir la collaboration entre acteurs clés
Il est essentiel de favoriser la coopération entre les services publics, les médias et la société civile pour mutualiser les efforts et maximiser l’impact des actions menées contre la désinformation.
8. Sensibiliser la population dans les langues officielles
Adapter les messages de sensibilisation aux contextes locaux, en utilisant les langues officielles, permettrait de toucher un public plus large et de réduire les risques de mauvaise interprétation.
9. Lutter contre les allégations infondées
Des lois doivent être adoptées et appliquées pour interdire la diffusion de fausses informations sur la santé, notamment via les réseaux sociaux et les médias classiques.
10. Former et responsabiliser les tradithérapeutes
Il est nécessaire d’encadrer les tradithérapeutes par le biais de leurs associations, en mettant l’accent sur les sanctions pénales prévues par la loi en cas de diffusion de fausses informations.
La lutte contre la désinformation en matière de santé nécessite une action collective, impliquant tous les acteurs concernés, des professionnels de santé aux médias, en passant par les autorités publiques et la société civile. En mettant en place des mesures adaptées et en renforçant la collaboration, il est possible de réduire l’impact de la désinformation et de protéger la santé des populations.