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Lutte contre la désinformation : ces initiatives qui impliquent les communautés locales
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Face à la désinformation, des acteurs locaux innovent avec des initiatives ancrées dans leurs réalités. À travers la musique, l’éducation, les conférences et les tontines, ils mobilisent jeunes, femmes et groupes vulnérables pour bâtir une résilience collective.

La désinformation, amplifiée par les réseaux sociaux, touche particulièrement les jeunes et les populations vulnérables. Pour y répondre, des initiatives locales misent sur la créativité et l’éducation. Le slameur Aboubacar Goro, alias « Secret Sacré Sucré », a formé 20 jeunes artistes à Bamako sur les dangers de la désinformation. « Nous avons produit deux vidéos de sensibilisation qui ont atteint plus de mille personnes chacune sur les réseaux sociaux », explique-t-il. Ces vidéos, combinant slam et messages percutants, invitent à vérifier les sources avant de partager une information.

Dans la commune VI de Bamako, Fatimata Dieng, coordinatrice de l’Association des jeunes engagés pour l’éducation des enfants (AJ3E), cible les écoles. « Nous avons sensibilisé six écoles publiques et créé des clubs d’élèves qui continuent de discuter via WhatsApp », raconte-t-elle. Ces clubs permettent aux jeunes de partager des astuces pour repérer les fausses informations et sensibilisent même leurs parents. « Les élèves nous disent que leurs parents commencent à questionner ce qu’ils voient en ligne », ajoute Fatimata. 

Mobiliser les communautés vulnérables

Engager les groupes vulnérables est au cœur de ces initiatives. À Douentza, Oumou Aya mobilise les femmes à travers son projet « Tontine pour lutter contre la désinformation, phase 2 ». « J’ai regroupé des femmes de tous horizons – mariées, jeunes, rurales – pour des tables rondes sur les conséquences de la désinformation », explique-t-elle. Ses sensibilisations, relayées par la WebTV Douentza Infos, ont touché directement 75 personnes et indirectement 40 000 followers en ligne. « Les femmes me disent que ces échanges les aident à ne plus partager sans vérifier », confie Oumou.

Souleymane Dissa, président de l’association Initiatives pour le développement communautaire (IDECO), cible les jeunes et femmes en quête d’emploi. À travers des « thé-palabres » intitulés « Stop Intox », il a sensibilisé 41 personnes sur les fausses offres d’emploi et aides financières. « Nous connaissons notre communauté, nous savons qui est vulnérable. Ces discussions autour du thé créent un espace de confiance », précise-t-il.

Nassaradine Soufiane, quant à lui, s’adresse au milieu arabe et religieux à travers une conférence à l’Université du Sahel. « Beaucoup ignoraient qu’on pouvait manipuler des informations. Nous avons formé une vingtaine de participants et partagé un QR code avec des bonnes pratiques, atteignant des centaines de personnes via des groupes WhatsApp », explique-t-il.

Moyens limités, solutions locales

Mettre en œuvre ces initiatives n’est pas sans obstacles. Aboubacar Goro pointe le manque de budget et l’accès limité à des formateurs spécialisés. « Nous avons collaboré avec des organisations artistiques pour réduire les coûts et trouvé un journaliste local pour animer la formation », dit-il. Fatimata Dieng, elle, fait face à l’analphabétisme et aux tensions sociales. « Certains parents analphabètes croient que tout ce qui circule en ligne est vrai. Et des communautés, comme les Bozo, refusent parfois de participer à cause de préjugés », déplore-t-elle. Pour y remédier, AJ3E implique des leaders religieux et communautaires pour créer des ponts.

À Douentza, Oumou Aya a su contourner les défis logistiques en s’appuyant sur les associations de tontines existantes. Souleymane Dissa, confronté à la chaleur et aux contraintes liées aux horaires, a adapté ses activités en soirée, malgré des ressources limitées. « Les gens attendent parfois des incitations financières, mais une fois les débats lancés, ils voient l’importance du sujet », note-t-il. Nassaradine Soufiane regrette le manque de temps pour toucher plus de monde. « Une formation sur les fake news demande au moins deux jours, mais nous avons maximisé l’impact avec des démonstrations concrètes », affirme-t-il.

La collaboration avec les médias, écoles et autorités locales est cruciale. Aboubacar insiste sur le rôle des médias : « Ils amplifient nos voix et portent nos messages plus loin. » À Douentza, Oumou travaille avec Douentza Infos et utilise TikTok pour toucher un large public. Fatimata Dieng mobilise blogueurs, journalistes et le Réseau des Blogueurs du Mali pour renforcer ses campagnes. Souleymane Dissa s’appuie sur des leaders communautaires et des anciens pour relayer ses messages, tandis que Nassaradine a invité des médias comme HoodTV et un représentant d’Al Jazeera à sa conférence.

Ces initiatives, bien que modestes, prouvent que des actions locales, ancrées dans les réalités culturelles, peuvent faire reculer la désinformation. En formant, en sensibilisant et en collaborant, ces acteurs bâtissent des communautés plus vigilantes, prêtes à distinguer le vrai du faux.

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