Inscrit par l’UNESCO en 2009 sur la liste du patrimoine immatériel nécessitant une sauvegarde urgente, le Sankè mò est une fête traditionnelle de pêche collective. Elle commémore la fondation de la ville de San, dans la région de Ségou.
Se baigner et pêcher dans la boue de la mare Sankè : un plaisir que ne ratent que peu de Sannois, lors de la fête du Sankè-mô. Chaque année, des milliers de personnes sont drainés par ce rendez-vous, qui se tient le deuxième jeudi du 7è mois lunaire. Pour cette 619e édition, qui s’est tenue du 19 au 21 juin, elles sont venues de partout. Toutes ont un seul but : s’assurer une protection annuelle, en participant à cette traditionnelle pêche collective.
« Je ne viens pas au Sankè-mô pour avoir du poisson, mais pour obtenir la bénédiction des génies, des esprits du Sankè. Pour moi, c’est une année de bonheur assurée avant la prochaine pêche », témoigne Bambo, un fonctionnaire ressortissant de San, qui ne rate aucun instant de ce rendez-vous annuel.
Sankè mò, Rite protecteur
Pour les Sannois, participer à la fête traditionnelle, c’est donc avant tout prendre part à un rituel qui assure à l’individu à la fois protection et bonheur. Il commence par le sacrifice de coqs et de chèvres et par des offrandes des habitants du village aux esprits de l’eau qui habitent la mare Sanké. Une fois ces sacrifices faites, les festivaliers s’adonnent à 15 heures à la pêche collective. Le rite du Sankè-mô marque traditionnellement le début de la saison des pluies.
La veille de l’événement, les défilés et les démonstrations des motards ne passent pas inaperçus. Une ruée d’hommes mêlant cris et ronflement d’engins se dirigent vers les villages de Tèrékungo et Parana, deux villages voisins bwa (une ethnie, s’écrivant aussi sous le nom de Bobo), initiateurs et détenteurs des secrets mystiques. Là se trouvent tous les officiels de la fête venus rendre hommage aux Bwa.
C’est ainsi que la foule se livre à un spectacle sans merci toute la nuit. L’atmosphère est formidable autour des chants, cris , danses et folklores. Les défilés et prestations des motocyclistes submergent les lieux. La boisson traditionnelle, appelé « Nia » , est consommée par tous lors du Sanké mo.
Les commerçants à la fête
Mais ce rite protecteur n’est pas le seul attrait de ce rendez-vous annuel. Outre la pêche, le Sankè-mô allie en effet musique, danse, sport, et foire commerciale. Les commerçants aussi ne sont pas en reste. Des filets artisanaux façonnés par les pêcheurs traditionnels sont cédés entre 2000 et 5000 FCFA, selon la taille et la qualité de la matière. Chaque festivalier se paye au moins un filet. Pendant cette période, les tissus traditionnels, comme le « bogolan », sont beaucoup prisés. Certaines personnes, comme Ousmane Traoré, parviennent à faire un mois de recette en seulement quelques jours : « Le Sankè-mô me permet d’avoir ce que je ne peux avoir toute l’année. Aucun fils de notre contrée ne veut rater ce rendez-vous. Chacun veut amener quelque chose avec lui. », se réjouit-il.
A partir de 11 h, les fêtards se dirigent vers la mare de Sankè. Cependant, la foule doit attendre jusqu’à 15 heures pour y accéder. Entretemps, place aux spectacles. L’ambiance redevient de plus en plus intense. C’est l’aîné des familles fondatrices qui donne le coup d’envoi de la pêche collective à travers des incantations. Il attend juste que le patriarche des Bwa immole un poulet aux génies de la mare.
Une marée d’hommes se ruent dans le lit de la mare. Des filets en mains ou mains vides, chacun cherche à attraper des poissons. C’est une lutte dans l’eau, mais très souvent dans la boue. Les plus chanceux qui parviennent à attraper les premiers gros poissons les exhibent devant la foule qui attend de l’autre côté de la rive. Chacun veut garder en souvenir l’image des plus gros poissons de la mare Sanké sur son téléphone.
Malheureusement, depuis quelques années, le Sankè-mô connait une chute de popularité à cause des accidents occasionnels pendant son déroulement et de la dégradation de la mare Sanké due à la rareté des pluies.