Le second tour des élections législatives, prévu ce 19 avril, est maintenu malgré la crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus. Dans ce billet, Mohamed Ag Assory, analyste politique, vous présente quelques batailles à suivre dans le cadre de ce second tour.
La Cour constitutionnelle a annoncé les résultats définitifs du premier tour des élections législatives, qui s’est déroulé le 29 mars dernier. Contre toute attente, le taux de participation officiel pour cette première manche est de 35,58 %, selon la Commission électorale nationale indépendante (CENI), repris comme tel par la Cour.
Il n’y aura pas de second tour dans les circonscriptions de Kayes, Yélimané, Niono, Djenné, Tombouctou, Niafunké, Bourem, Ménaka et dans la région de Kidal. De fait, 22 députés ont été élus sur les 147 et les autres qualifiés pour le second tour vont se départager une fois de plus dans les urnes, en attendant le 3e tour qui se jouera devant les sages de la Cour constitutionnelle.
Parmi les candidats qui prendront part au second tour, prévu ce 19 avril, il y en a qui jouent gros non seulement à titre individuel mais aussi pour leurs partis respectifs. Il y a aussi les circonscriptions stratégiques où tout va se jouer. A ce stade, ce n’est plus le député seulement mais les « états-majors » des partis politiques qui sont plus que jamais sous pression. Dans toutes les localités à suivre, on assiste déjà à une valse de soutiens tous azimuts des partis non qualifiés en faveur de ceux qui sont restés dans la course.
Moussa Mara joue gros jeu en commune IV
Arrivé 1er en compagnie de son colistier, avec à leur actif 28 % des suffrages lors du premier tour, l’ancien Premier ministre Moussa Mara, qui est en terrain connu, joue à domicile. Il disputera la finale contre une liste menée par Hamady Sangaré, un outsider du marigot politique.
Moussa Mara pourrait compter sur son ancrage dans la commune où il avait été élu maire et avait mis en mauvaise posture l’actuel Président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, lors des législatives de 2007. Il fait, cette fois-ci, face à un candidat soutenu par les grands partis et qui semble avoir des soutiens dans les hautes sphères de l’État. Hamady Sangaré, alias « Ze », serait un « businessman controversé » avec des tentacules dans l’appareil sécuritaire. Bien qu’il ne soit pas connu pour avoir une expérience politique pertinente- mais plutôt propulsé sur le devant de la scène par ses moyens financiers-, ce dernier risque de mettre sérieusement en péril la seconde tentative d’entrée de Moussa Mara à l’hémicycle. Moussa Mara, qui joue avec une liste 100 % Yelema (« changement », en bamanakan, son parti), va-t-il se laisser faire ? Son avance du premier tour pourrait être signe de bon augure… Ces dernières heures, il a réussi à avoir le soutien de plusieurs petits et moyens partis, venus à sa rescousse.
Bataille inédite en commune V
Si dans certaines circonscriptions les partis s’affrontent sans merci, en commune V nous assistons à une guerre fratricide. Le tonitruant Moussa Timbiné, premier vice-président du parlement sortant, y livre bataille contre une liste Adéma-PASJ/URD/ADP-Maliba. Le comble, c’est que Moussa Timbiné fait face à une adversité ouverte par certains membres de son propre parti (Rassemblement pour le Mali).
Il y a une tendance au sein de son parti qui voudrait le pousser vers la sortie. Ce dernier y joue sa petite et jeune carrière à l’hémicycle et risque de payer cher le courroux de Bocary Tréta, le président du Rassemblement pour le Mali (RPM). Cette guerre fratricide pourrait, au pire, coûter des sièges au parti présidentiel. Mais Moussa Timbiné a-t-il dit son dernier mot après sa petite avance prise lors du premier tour ? En attendant, il est pris sous le feu nourri des partis adverses et de son propre camp, conduits par le maire de la commune, Amadou Ouattara, auprès duquel il ne serait plus en odeur de sainteté.
Oumar Mariko joue son avenir politique
L’autre match, qui sera très suivi lors de ce second tour, se joue très loin de Bamako, plus précisément à Kolondièba dans la région de Sikasso. Oumar Mariko, le tribun de la politique malienne, croisera le fer avec Sidiki N’Fa Konaté, ancien ministre et directeur de l’Office radiodiffusion télévision du Mali (ORTM), soutenu par le régime et qui a comme colistier un candidat du principal parti d’opposition, l’Union pour la république et la démocratie (URD).
Cette alliance entre le Rassemblement pour le Mali (RPM, parti au pouvoir) et l’Union pour la république et la démocratie (URD) a déjà pris une longueur d’avance lors du scrutin du 29 mars avec une différence de deux points sur la liste d’Oumar Mariko. Ce dernier ne baisse pas les bras pour autant, parce qu’il joue aussi son avenir politique. Beaucoup d’internautes se demandaient ce que sera l’hémicycle sans Oumar Mariko. Inversement, que sera Oumar Mariko sans l’hémicycle ?
En fervent communiste, Il conserve l’avantage de sa popularité auprès des classes paysannes. Il reste que, cette fois-ci, il affronte un autre qui a longtemps caressé le rêve d’entrer à l’hémicycle. Oumar Mariko usera de tout son pouvoir pour défendre son titre, et le parti au pouvoir de toute sa machine pour déloger le très encombrant et virulent Oumar Mariko. Rendez-vous le 19 avril !.
Combat de titans à Gao
Le combat le plus excitant se déroule à Gao : s’y affrontent non seulement des personnalités mais aussi les partis autrefois alliés. Parmi les belligérants, on retrouve Assarid Ag Imbarcaouane ( un dinosaure du parlement), Arboncana Boubèye Maïga ( ancien député et frère de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga), Fatimata Toure (épouse de l’ancien ministre Malick Alhousseini et transfuge du parti présidentiel, le Rassemblement pour le Mali). Ces challengers, arrivés premiers avec 48,27 % sous les couleurs de l’Adéma-PASJ et de l’ASMA-CFP, tous alliés au parti pouvoir, affronteront une alliance RPM-CODEM.
En face, il y a la liste menée par Sadou Diallo, arrivée deuxième avec 29,19%. Malgré l’écart dans le score au premier tour, rien ne semble être joué d’avance selon plusieurs observateurs. Perdre Gao serait un coup dur pour le parti au pouvoir, qui mettra certainement les bouchées doubles pour éviter un tel scénario.
Le parti ASMA-CFP de Soumeylou Boubèye Maïga, très mal loti au cours du premier scrutin, ne se laissera pas ravir son fief électoral. Ce sont tous ces ingrédients réunis qui feront de Gao l’une des batailles à suivre dans les jours à venir.
- ASMA-CFP : Alliance pour la solidarité au Mali-Convergence des forces patriotiques
- CODEM : Convergence pour le développement du Mali
- Adéma-PASJ : Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice
- ADP-Maliba : Alliance démocratique pour la paix-Maliba