Pour éviter de tomber dans le piège, comme certains pays qui ont été obligés d’arrêter leurs processus électoraux, le blogueur Yacouba Dramé estime que notre pays devrait repousser les élections législatives, le temps que la pandémie Covid-19 puisse passer.
Près du groupe scolaire Abdoul Niang, une école publique située à Toguel, quartier de la ville de Mopti, plus d’une centaine de personnes sont réunies avec des candidats pour un meeting politique. Nous sommes le vendredi 20 mars, soit le deuxième jour de l’entrée en vigueur des décisions pour prévenir le coronavirus prises lors du dernier Conseil supérieur de la défense nationale. Visiblement, ces candidats aux élections législatives n’ont pas respecté l’interdiction des rassemblements politiques, surtout ceux dépassant plus de 50 personnes.
«Nous avons entendu que les regroupements politiques étaient interdits, mais que voulez-vous qu’on fasse ? Ce meeting était prévu depuis longtemps. Nous avons déjà avancé des fonds et nous n’allons pas annuler nos réunions sauf si on annule les élections», explique Fatoumata Diarra, membre du comité d’organisation de ladite réunion.
Le début de la campagne pour les élections législatives dans la circonscription électorale de Mopti a été marqué par les premiers grands meetings des onze listes en compétition. Depuis, plus rien. L’engouement autour de cette élection peine à venir. La crise de confiance entre les électeurs et les politiques semble sérieuse, la constitution des alliances et l’insécurité dans certaines zones où la campagne électorale est (presque) impossible sont les premières causes du désintérêt des citoyens. La dernière menace qui plane sur les élections législatives est la crainte de l’arrivée du coronavirus (Covid-19) dans notre pays.
« Le vote qu’il y ait ou qu’il n’y ait pas de cas »
Le gouvernement malien prévoit d’organiser les élections législatives ce 29 mars, « qu’il y ait ou qu’il n’y ait pas de cas » de coronavirus dans notre pays, selon les propos du Premier ministre Boubou Cissé, tenus lors d’une conférence de presse à la primature, le 19 mars. Ces propos du Premier ministre semblent avoir semé la confusion au sein des acteurs politiques. Le maintien des élections législatives et l’interdiction de faire des meetings politiques avec plus de 50 personnes divisent la classe politique malienne.
Les différents « états-majors » politiques se comportent selon leur poids politique. Si ceux considérés comme des «petits candidats» arrivent à respecter l’interdiction en ne mobilisant pas beaucoup de monde lors de leurs meeting, c’est tout le contraire pour les «grands partis». Ces derniers drainent de nombreuses foules.
Dans ces conditions, il sera très difficile non seulement de battre campagne, retirer les cartes d’électeurs mais aussi de voter. Le non-respect des interdictions ne semble pas préoccuper les structures en charge de l’organisation des élections. Et pourtant, dans une vidéo postée sur sa page Facebook, Mountaga Tall, figure du Congrès national d’initiative-Faso Yiriwaton (CNID-FYT), interpelle le chef de l’État sur le suivi de ces mesures et sur l’inutilité de maintenir les élections législatives : «Des élections ont été reportées au Mali pour moins que cette crise sanitaire», avance-t-il.
Le difficile choix du report
Les autorités maliennes sont confrontées à un «dilemme cornélien» : d’une part, l’impérative nécessité d’organiser des élections législatives-reportées plusieurs fois- pour légitimer le parlement et, d’autre part, le risque d’entrée sur le territoire du Covid-19.
Les mesures préventives prises par le Conseil supérieur de la défense nationale sont diversement appréciées par les Maliens. A première vue, le pays semble se diriger vers un confinement qui ne dit pas son nom avec l’interdiction des rassemblements de plus 50 personnes et la fermeture des lieux de rencontre des jeunes ( boîtes de nuit, stades..). Dans une telle situation, pourquoi maintenir les élections ? Surtout que les législatives ne mobilisent pas beaucoup de personnes en tant normal.
Nous le saurons, certainement dans les jours à venir, si le maintien des élections était une bonne décision. Mais en attendant, nous devons nous attendre à plusieurs scénarios possibles : la maladie peut arriver dans notre pays à tout moment, le pic de l’épidémie en Afrique tant craint par les spécialistes ne doit pas être ignoré. Et enfin, le sort réservé au second tour des législatives. Pour éviter de tomber dans le piège, comme certains pays qui ont été obligés d’arrêter leurs processus électoraux, notre pays devrait suivre l’exemple britannique en repoussant les élections, le temps que la pandémie puisse passer.