Si au Mali, les textes interdisent l’entrée sur le territoire des produits chimiques comme le cyanure, le mercure et bien d’autres, sur le terrain la réalité est tout autre.
Au Mali, en théorie, l’entrée de ces produits se fait sur autorisation du ministère de la Santé et celui de l’Environnement : cyanure, mercure… Dans la pratique, leur utilisation non contrôlée sur les sites d’orpaillage a atteint un niveau critique. Ils contribuent à polluer les fleuves et leurs affluents depuis des années, au nez et à la barbe de tous.
De plus, les dispositions particulières relatives aux substances précieuses provenant de l’activité artisanale et aux substances minérales radioactives sont clairement définis dans les articles 186 et 187 de l’ordonnance du 27 septembre 2019, portant code minier en République du Mali. Entre l’application des textes sur l’utilisation des produits chimiques et la réalité dans les mines artisanales, le fossé est grand. Son interdiction n’a pas dissuadé les trafiquants à les faire entrer dans le pays.
Des chiffres inquiétants
La région de Kayes est l’une des plus gravement impactées. Selon les estimations, elle a produit 73 % des 26 tonnes d’or artisanal du pays en 2019, générant 1,23 milliard de dollars américains. Pour ce faire, les orpailleurs ont recours au mercure et au cyanure pour séparer l’or des autres minéraux.
Les résultats des recherches menées par l’Institut d’étude de sécurité (ISS), en 2021, révèlent que ces produits chimiques sont introduits au Mali frauduleusement en passant par le Bénin, le Togo, le Burkina et le Sénégal. Pour sa part, le gouvernement malien estime la quantité annuelle de mercure illégalement introduite dans le pays à 33,3 tonnes dont 28 tonnes sont utilisées dans des sites d’orpaillage dans la région de Kayes.
L’usage intensif et mal maîtrisé de ces intrants chimiques présente d’énormes risques pour l’agriculture, la pêche et l’élevage, surtout avec la contamination des fleuves et autres cours d’eau de la région.
Pour lutter efficacement contre la pollution des fleuves, il faut, en plus des campagnes de sensibilisation auprès des populations, accentuer rigoureusement les actions de contrôle au niveau des frontières. Les autorités des pays cités plus haut, par lesquels passent ces produits, doivent mutualiser leurs efforts avec le Mali.
Cela va permettre de démanteler ce réseau de trafic transfrontalier de ces produits qui ont quasiment détruit nos fleuves en région de Kayes. En plus de ces mesures, il faut aussi former les agents frontaliers à la détection des produits non autorisés, afin qu’ils arrivent à déjouer les ruses que ces trafiquants mettent en place pour traverser les frontières sans être repérés.
Santé menacée
Les conséquences liées à la pollution des fleuves de la région de Kayes sont nombreuses et inquiétantes. A cause de la pollution des eaux souterraines, l’économie locale a subi un coup de frein, car les jardins maraichers ont presque disparu. Le commerce du poisson a également pris un coup. Les prix connaissent une hausse sur le marché, contrairement aux années où on trouvait encore du poisson dans nos fleuves. En plus de ces effets néfastes sur l’économie régionale, la santé des populations est plus que menacée.
« Nos jeunes, qui se sont rendus dans les mines d’or, sont revenus pendant l’hivernage avec des maux de ventre. Après avoir vendu les bœufs pour les soigner, la majorité n’arrive pas à survivre. C’est une double perte. Tout est lié aux conséquences directes de la pollution de nos fleuves », s’est indigné M. Dantouman Fofana, président de la filière arachide de la région de Kayes.
La lutte contre la pollution des fleuves dans la région de Kayes passera par une autorité affirmée de l’État et une population consciencieuse des dangers de ses propres actes.