Sécurité routière : la difficile mise en pratique du règlement 14 de l’UEMOA
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Sécurité routière : la difficile mise en pratique du règlement 14 de l’UEMOA

La mesure communautaire concernant le règlement 14 de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) vise à préserver les infrastructures routières et contribuer à la durabilité des investissements réalisés. Dix-huit ans après son adoption, elle n’est toujours pas exécutée à hauteur de souhait à cause de plusieurs divergences.

Ce règlement du 16 décembre 2005, relatif à l’harmonisation des normes et des procédures du contrôle du gabarit, du poids, et de la charge à l’essieu des véhicules lourds de transport de marchandises dans les États membres de l’organisation, peine à être appliqué intégralement. Les multiples reports en sont la preuve. Une nouvelle échéance vient d’être fixée à compter du 1er janvier 2024.

La surcharge est le deuxième ennemi de la route après l’eau. Et la première cause de la dégradation prématurée des infrastructures routières. Elle augmente le coût d’entretien des routes, réduit la durée de vie des véhicules de transports, allonge les prix et délais d’acheminement des produits de consommation et met en danger la sécurité des personnes et des biens. Le sujet ne cesse d’opposer les autorités et les transporteurs. 

Dégradation de la chaussée

L’adoption de cette mesure communautaire serait motivée par la décision des partenaires techniques et financiers de faire de la lutte contre la surcharge sur les routes une des conditionnalités de leur accompagnement financier.

Au regard d’importants impacts négatifs de la surcharge sur les routes, principales sources d’approvisionnement du pays en produits de grande consommation, c’est une obligation pour les autorités de sauvegarder et de les entretenir.

Selon une étude sur les impacts de la surcharge sur les transports terrestres maliens, réalisée en 2011, sur le financement de l’Union européenne (UE), « les pertes occasionnées par la dégradation de la chaussée due à la surcharge varient entre 25 et 37 milliards de francs CFA par an, soit le coût de réalisation de 80 à 120 km de route avec le béton bitumé ».

Aussi, révèle l’étude, « le phénomène de dégradation a des conséquences dramatiques sur la sécurité routière ». « Une route dégradée, à la suite de surcharges, entraîne, en plus des risques d’accident (80 % des accidents des poids lourds sont dus à la surcharge), d’autres conséquences, dont la réduction de la rotation des véhicules ; la réduction de la durée de vie des véhicules, acquis à des montants élevés ; l’augmentation du coût des transports, ce qui renchérit les prix des marchandises et des produits de première nécessité », peut-on y lire.

Réticence des transporteurs

Malgré tout, les transporteurs sont réticents quant à la mise en œuvre de cette disposition, d’abord à cause de l’interprétation même de la décision : « Faut-il pénaliser le poids total à la charge (PTAC) ou le poids de la marchandise ? »

D’autres estiment que la mesure n’arrange pas les pays éloignés des ports comme le Mali. Car les transporteurs routiers, pour des raisons de rentabilité, préfèrent transporter à la fois beaucoup de marchandises (surcharge), au lieu de faire plusieurs voyages ou multiplier les camions.

Aussi, en son temps, le Conseil malien des transporteurs routiers (CMTR) avait-il demandé aux autorités maliennes des mesures d’accompagnement pour soulager les transporteurs qui voient en cette mesure une façon de multiplier leurs charges. D’ailleurs, ils ont menacé de faire augmenter les frais de transport, d’importation et d’exportation des marchandises pour s’en sortir.

Un autre motif de réticence, selon un acteur, serait lié au fait que les États portuaires, d’où partent les chargements, ne veulent pas être les premiers à appliquer la mesure de peur de perdre une partie importante de leurs partenaires commerciaux des pays de l’hinterland. Ces menaces des transporteurs routiers d’augmenter leurs prix sont prises au sérieux par les autorités de l’UEMOA, qui ont rallongé les échéances dont la dernière en date a été fixée, le 21 octobre 2022, à compter du 1er janvier 2024.

Nouvelles échéances

Après plusieurs rendez-vous manqués, les ministres en charge des Infrastructures et des Transports routiers de l’UEMOA, réunis au Togo le 21 octobre 2022, ont décidé « du démarrage de la généralisation de l’application du seuil de tolérance de 15%, y compris les 5% de marge de fiabilité des équipements de pesage à partir du 1er avril 2023, et fixé la date de démarrage de l’application intégrale du Règlement 14 relatif à la surcharge à compter du 1er janvier 2024 ». Mais la question qui taraude les esprits est de savoir si ces nouvelles dates seront les bonnes.

Pour rappel, le Règlement 14 de l’UEMOA fixe les limites de poids, de la charge à l’essieu et du gabarit pour chaque type de véhicule lourd de transport de marchandises, et le montant des amendes en lien avec l’infraction. Ainsi, tout transporteur ou conducteur de véhicule lourd de transport de marchandises qui enfreint ces dispositions est soumis au paiement de l’amende correspondante : « Toute surcharge constatée au-delà des limites fixées par le R14 est passible d’une amende, calculée sur la base de 20 000 FCFA par tonne supplémentaire en transport national et 60 000 FCFA par tonne supplémentaire en transport inter-Etat ».

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