Au Mali, nombreux sont ces charlatans ou pseudo-marabouts qui contribuent à traumatiser leurs clientes. Pour le blogueur, Almoudou Mahamane Bangou, ils sont également à la base de certaines violences basées sur le genre.
Ils sont influents, jouissent d’une notoriété patente dans leurs contrées respectives et semblent avoir été et être la solution aux légions de maux assaillant leurs concitoyens. Ces marabouts ou guérisseurs traditionnels reçoivent, jours et nuits, dans la discrétion et de visu, des patients. Parmi la horde de visiteurs les plus souhaitées sont les femmes, couche très fragile, sensible, généreuse, et qui agissent pour atteindre un objectif quelconque.
En Afrique, les marabouts sont des personnages importants dans la société à qui la conscience collective prête des pouvoirs pour régler tout type de problème. Entre intimidation, tentative de souillure, les faiseurs de miracles tuent à petit feu.
De nos jours, dans notre société, de fortes pressions pèsent autant sur l’homme que la femme. Se marier est devenu une urgence eu égard à la pression des membres de la famille. Cependant, l’impatience de certaines femmes de se retrouver dans leur foyer et échapper aux persiflages de leur entourage les pousse à trouver les voies et moyens pour être soulagées. Elles n’hésiteraient pas à faire recours à des marabouts ou des guérisseurs traditionnels.
Ne pas vendre sa dignité
Elles vivent des situations qui leur taraudent l’esprit et leur coupent le sommeil. Elles se résignent et la vivent lamentablement dans leur for intérieur. Difficile d’en parler. Il y a trois années de cela, je rencontrais Idé (pseudo). Elle avait terminé ses études et attendait le concours d’entrée à la fonction publique. Idé était célibataire, mère d’un garçon rejeté par son père dès sa naissance, et vivait dans sa famille adoptive.
Ses 20 ans révolus, elle était désormais obnubilée par être une femme au foyer. « Ni mon père, ni ma mère ne sont en vie. Mon frère, j’ai fait mes études dans des conditions atroces. Il n’y a plus de contact avec le père de mon enfant. Dans ma famille adoptive, je suis perçue autrement. Je n’arrive plus à fermer les yeux. Mon souci, c’est avoir un mari. Je prie Dieu afin qu’il exauce mes vœux », m’a-t-elle confié. Idé m’a avoué qu’avec une de ses amies en quête de fiancé, elles multipliaient les consultations divinatoires.
Notre cher charlatan apprend à Idé qu’elle est possédée par un djinn qui lui en veut et ne voudra d’aucun homme sur son chemin. Donc, sans le traitement, elle demeurera le restant de sa vie sans se marier. Et le charlatan lui propose de coucher avec elle pour la débarrasser de ce mauvais sort : « J’ai pris mes chaussures et fui de sa maison sur le champ. Comment un marabout d’une telle réputation, mariée et père de nombreux enfants oserait-il me demander telle chose ? Je suis psychologiquement touchée par l’attitude du monsieur. Pourtant, je suis aujourd’hui mariée et fonctionnaire sans l’aide ce charlatan », m’a-t-elle alors expliqué.
Un conjoint à tout prix
Aujourd’hui, nombreuses sont celles qui en ont subi de telles attitudes de certains marabouts ou guérisseurs traditionnels. Si certaines ont cédé, d’autres ont pu résister. Mais ces comportements continuent de les hanter. La plupart sombrent dans le regret. Elles n’arrivent pas à partager avec quiconque ce qui les hantent. Surtout si le travail n’a pas abouti à des résultats satisfaisants.
KD, la trentaine, vit aujourd’hui avec ce traumatisme. Dans la crainte de ne pas perdre son homme au profit d’autres, elle a eu recours à un marabout. Sans détours, ce dernier lui explique que la seule alternative pour maintenir son homme consiste au contact charnel avec elle. Sans arrière-pensée, elle s’exécute. A sa grande surprise à la sortie de la cabane du marabout, elle tombe sur son homme venu pour des consultations. Elle n’a pu dire mot hormis : « Pardonne moi, je le fais pour ne pas te perdre ». L’histoire s’est répandue comme une traînée de poudre dans la localité.
Je suis très choqué par l’attitude de ceux qui, au lieu de soulager leurs clients, préfèrent les induire en erreur et deviennent la source d’autres tensions.
C’est un problème récurrent dans notre société. Malheureusement l’ ignorance et la naïveté de ces jeunes femmes cela perdure. Ainsi que l’inaction de la justice en cas de plainte.