C’est bien triste de le dire, mais tous les morts ne sont pas vraiment morts au Mali. Certains continuent même à exercer leurs « droits civiques » en raison de listes électorales mal actualisées. Une situation qui perdure.
Chaque année, à partir du mois d’octobre, ont lieu des opérations de révision de la liste électorale sur toute l’étendue du territoire national de notre pays. Le but vise non seulement à recenser les nouveaux majeurs en âge de voter, mais aussi et surtout de rayer de la liste électorale toutes les personnes en incapacité de voter, y compris les personnes décédées, qui connaissent de facto une extinction de droits.
Le constat malheureux est que les Maliens ne participent pas assez à ces opérations. Cette année, environ 600 000 personnes ont été enrôlées, selon Abdou Salam Diepkilé, Directeur général de l’Administration du territoire. Lors de la dernière élection présidentielle (2018), les (18- 24 ans) ne représentaient que 11% des électeurs inscrits, selon le rapport de la mission d’observation de l’Union africaine.
Pourtant, il est difficile de dire que la sensibilisation n’est pas de mise. Les chaînes de radiodiffusion et de télévision sont mises à contribution pour informer et sensibiliser les citoyens. Des organisations citoyennes se mobilisent à travers des caravanes de sensibilisation. Mais rien n’y fait. Le résultat demeure le même, les opérations de révision de la liste électorale ne portent pas réellement leurs fruits. Faute de prendre part à ces opérations, nos listes électorales souffrent continuellement d’irrégularités.
Donner sens à un investissement
Quand un fonctionnaire de l’État décède, parce que sa famille doit bénéficier de certains droits (pension, capital de décès), la mobilisation est de taille pour diligemment le déclarer où de droit. Mais quand il s’agit d’accomplir un devoir civique en déclarant à l’administration électorale le décès d’un proche afin d’en tirer toutes les conséquences de droit, peu sont les citoyens maliens qui s’y impliquent. Or, l’administration publique malienne, à l’état actuel de son évolution, ne dispose pas de beaucoup de choix. Elle ne peut mener ses propres investigations et reste donc dépendante de la bonne foi du citoyen qui s’adresse à elle de son plein gré. Ce qui fait que des personnes décédées continuent à figurer sur nos listes électorales. « Faire voter les morts est malheureusement une réalité. Le problème est dû au fait que les déclarations de décès ne se font pas régulièrement », explique Issa Tieman Diarra, administrateur civil à la retraite, spécialiste des questions électorales.
Cette situation ne semble déranger personne finalement, les citoyens aussi bien que l’administration électorale. D’ailleurs, de telles lacunes continuent à conforter des candidats aux différentes élections. On fait voter les morts pour élire des dirigeants censés prendre des décisions pour des vivants. Ces voix servent à étoffer les suffrages favorables à tel ou tel autre candidat. Quoi de plus normal ! L’État consent d’énormes efforts financiers pour la confection de cartes électorales pour des électeurs vivants ou pas. Il faut en conséquence utiliser ces cartes à « bon escient » afin de donner un sens à cet investissement.
On peut pourtant y remédier
Le tout premier des remèdes passe par la sensibilisation. Il faut informer les citoyens maliens à s’impliquer davantage dans les opérations de révision annuelle des listes électorales. Ainsi, à terme, nos listes électorales seront mieux actualisées et refléteront la situation réelle des électeurs maliens. Un mécanisme est déjà en place : « Les mairies doivent envoyer les actes de décès au centre de traitement des données de l’état civil qui, à son tour, doit les envoyer à la délégation générale aux élections (DGE) qui se chargera de revoir la liste électorale en fonction des personnes qui ne doivent plus y figurer pour cause de décès », ajoute Tieman Diarra.
Aussi, faut-il soutenir réellement le processus de numérisation en cours dans notre administration publique. Il faut peut-être penser à interconnecter les données d’état civil des Maliens. Dès que les services financiers de l’État reçoivent une déclaration de décès d’un fonctionnaire par exemple, grâce à l’interconnexion des systèmes d’information, ces mêmes informations doivent figurer dans les services en charge de la gestion des élections. De cette manière, on pourrait utilement tirer avantage de la mise en place de tels mécanismes