Le référendum a donné à l’Autorité indépendante de gestion des élections l’occasion de tester sa capacité à assumer les espoirs placés en elle. Mais de nombreux défis attendent l’organe.
En cette matinée de septembre, un ballet quasi ininterrompu de visiteurs et de techniciens se tient au secrétariat de la Direction générale de l’administration du territoire. Le maître des lieux, très sollicité, ne rechigne pourtant pas à consacrer le temps nécessaire à la presse. Pour Abdoul Salam Diepkilé, directeur général de l’Administration territoriale, il est plus qu’utile de tirer les leçons d’une actualité encore récente. En effet, le Mali venait de réussir un exploit : le pays est passé à la IVe République à travers un referendum, tenu le 18 juin 2023. Pour y parvenir, tout s’est fait au pas de charge. « Le collège électoral a été convoqué à deux mois du scrutin. C’était un fait inédit », souligne M. Diepkilé.
Le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a apporté un appui à l’AIGE, « conformément à l’article 5 de la loi électorale », rappelle Abdoul Salam Diepkilé. Cet appui s’est organisé au sein d’une commission technique qui rassemblait notamment des représentants des départements chargés de la Défense, de la Sécurité, des Finances, de la Refondation de l’État et de la Communication. L’administration territoriale y était notamment chargée de l’organisation technique et matérielle des opérations référendaires et électorales, de la révision des listes électorales, de la création, de l’emplacement et du ressort des bureaux de vote. Tout cela en rapport avec l’AIGE.
Volonté des partis politique et de la société civile
Sollicitée pour donner son appréciation sur ce premier travail en commun, l’AIGE n’a pas donné suite à notre demande. Il aurait pourtant été intéressant de savoir comment elle a concrètement pris en charge les missions à elle affectées par l’article 4 de la loi électorale. Celle-ci stipule que l’AIGE « a pour mission l’organisation et la gestion de toutes les opérations référendaires et électorales ». A ce titre, elle est chargée de la confection, de la gestion, de la mise à jour et de la conservation du fichier électoral ; de la réception et de la transmission des dossiers de candidatures relatifs aux élections des députés à l’Assemblée nationale, des conseillers nationaux et des conseillers des collectivités territoriales, etc.
Pour Fousseyni Diop, superviseur à la Mission d’observation des élections au Mali (MODELE–MALI), la création de l’AIGE émane de la volonté exprimée par des partis politiques et la société civile en faveur de la mise en place d’un organe unique de gestion des élections. Toutefois, regrette Diop, « nous aurions voulu un organe indépendant unique qui assurerait la gestion des élections, mais nous nous retrouvons avec, à côté de l’AIGE, le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation qui dispose toujours d’importantes prérogatives ».
Leader du parti Espoir pour la démocratie et la République (EDR), Salikou Sanogo abonde dans le même : « Nous souhaitons que l’administration et les partis politiques se retirent complètement de la gestion des élections. Aussi, que les gens chargés de la gérer soient choisis pour leur probité et non nommés. » A cette remarque, Abdoul Salam Diepkilé estime que « le duo Gouvernement-AIGE a bien fonctionné ». Lui est donc partisan de renforcer cette synergie afin que la machine de l’Etat soit mise à la disposition de l’AIGE en période électorale.
Faiblesses de l’AIGE
Le diagnostic de Fousseyni Diop est plus nuancé. Pour lui, le scrutin référendaire, premier test de l’AIGE, a souffert tout d’abord du délai trop court à respecter. En effet, tous les acteurs n’étaient pas prêts à aller au référendum. La campagne a commencé avant son lancement officiel. Des dispositions de la loi électorale ont été violées, selon des acteurs politiques, notamment à travers la confection et la distribution de casquettes ou tee-shirts. Les partisans du « Non » se sont plaints du temps d’antenne qui leur a été accordé sur les médias publics.
Les partis politiques ne se sont pas massivement impliqués. Selon M. Diop, le vote anticipé des militaires a causé un souci : il devait y avoir une liste spéciale pour ceux-ci et cette disposition n’a pas été observée. L’AIGE pourra-t-elle assumer toutes les fonctions qui sont les siennes lors des prochaines élections communales, législatives et présidentielle ? « Il est vrai que le contexte dans lequel s’est déroulé le référendum n’était pas très facile à gérer par l’AIGE, reconnait le directeur général de l’Administration du territoire. Le peu de temps qu’elle a eu pour s’atteler à la tâche a quelque peu joué sur les questions de préparation. C’est pourquoi notre ministère est venu en appui. »
« L’AIGE va relever le défi de mener à bien tous les processus électoraux, assure Souleymane De, président de la commission loi du Conseil national de transition. Dans les années à venir, elle sera un instrument suffisamment expérimenté pour relever tous les défis d’organisation. » Le conseiller rappelle que la mise en place de l’organe unique constituait une demande insistante des acteurs du processus électoral. Ce vœu est comblé. Il faut désormais relever les défis sécuritaire, logistique, financier et de ressources humaines qu’il comporte.