Pour le blogueur Ousmane Makaveli, les cours à télé doivent être repensés et ne sauveront pas l’école malienne.
Dans un article apologique, le blogueur Aliou Diallo présente la décision gouvernementale de faire passer les cours à télé comme une initiative salvatrice. Lui-même reconnait les insuffisances des cours à distance, mais nous invite à nous en accommoder à cause de la crise sanitaire qui prévaut. Selon lui, mieux vaut se contenter de peu que de rien. Mais, pourquoi se contenter de peu quand on peut faire plus ?
Je pense que l’éducation des enfants ne doit pas être bradée au marché de la paresse intellectuelle sous le prétexte d’une crise sanitaire. Comme je le disais dans un autre article, l’éducation est aussi importante au même titre que la santé pour être traitée comme une affaire simple.
On est d’accord, nous traversons une période trouble et complexe de l’histoire de l’humanité. Le coronavirus déstructure nos organisations, nous force à revoir nos modes de fonctionnement. Cette crise sanitaire mondiale, redoutable, est perçue comme le coup d’épée qui sonnera le glas de la stabilité de notre pays déjà fragile et vivant dans un marasme chronique à cause de multiples crises : sécuritaire, politique, intellectuelle, éducative, éthique…
Pour beaucoup de personnes, nous devons focaliser nos forces sur la lutte contre le Covid-19, ce qui est tout à fait compréhensible. Mais devons-nous le faire au détriment de l’éducation en soutenant des décisions inefficaces ? Alors que la crise éducative, depuis des années, annihile tous nos efforts de construction sociale.
Délitement de l’éducation scolaire
Pour revenir à ce qui nous intéresse, les cours à la télé ne sont pas suffisants au regard du niveau de délitement de l’éducation scolaire au Mali. Ce sont les meilleurs élèves, ayant une base solide, qui sont capables de s’auto-formés sans une grande assistance. Ce qui n’est pas le cas de tous les élèves. Il nous faut, par contre, des programmes qui permettent d’avoir les bases et qui sont accessibles en toute liberté.
Les cours via la téloche ne marchent pas, parce qu’il n’y a pas d’interaction possible entre l’’enseignant et les apprenants. Pourtant, cela est crucial pour faciliter la compréhension des élèves : ils doivent pouvoir communiquer avec l’enseignant. Ce qu’il nous faut, c’est une plateforme numérique éducative et ludique.
Les contenus des cours ne sont pas adaptés pour la télé. Aucun effort n’a été fait pour simplifier et rendre ludique. Les enseignants aussi présentent des carences en pédagogie et en communication. Ce qui fait que les cours ressemblent à des monologues longs et ennuyants.
La télé, ce n’est pas pour tout le monde
Les cours à la télé sont inutiles, car ne tiennent pas compte du caractère inégal de la distribution de l’électricité dans notre pays et les interminables et fréquentes délestages. Les cours à distante ne tiennent pas compte des disparités, en termes de développement, qui existent entre les villes et les villages, car nous avons aussi des élèves dans des villages qui n’ont ni électricité ni télé.
Les cours à la télé, sans le concours des parents, sont impossibles. Pourtant, ces derniers n’ont pas été formés ou informés sur l’utilité et les attitudes à adopter pour la bonne marche d’un tel programme. Déjà qu’à cause de la promiscuité, il est quasiment impossible d’avoir le calme requis pour suivre les cours à la télé.
Oui, la famille doit faire le suivi mais ne l’oublions pas : nous n’avons pas tous des parents instruits. Et, généralement, le papa est au travail, la maman aussi ou à la cuisine. Les grands frères, à part quelques exceptions, ont d’autres chats à fouetter.
Une occasion de se réinventer
À la lumière de toutes ces raisons, vous conviendrez avec moi que les cours à la télé sont juste une manière d’escamoter le problème en cette crise sanitaire. C’est appliquer la politique de l’autruche plutôt que d’élaborer une vraie politique éducative. Pourtant, malgré les défis de l’heure, nous avons les idées et les compétences pour y parvenir.
Un bon gouvernement, en des circonstances difficiles, devrait pouvoir des choses extraordinaires avec des moyens simples. Pour conclure, je me permets de rappeler que des jeunes maliens ont déjà développé une université virtuelle.
Ousmane Makaveli,
Je partage ton point de vue. Tous les ingrédients ne sont pas réunis pour nous permettre d’espérer que ces cours puissent sauver notre école qui avant même la crise était dans un état chaotique. Tout porte à croire que d’autres voient en cette crise sanitaire une opportunité pour camoufler leur défaillance.