Ces dernières semaines au Mali, les tensions sont montées sur les réseaux sociaux avec son lot d’attaques personnelles, d’incitations à la violence et de messages de haine. Encore plus important, sur fond de préjugés, d’analyses trop simplistes et de raccourcis.
« Pro » et « anti » transition, « pro » et « anti » russes, « pro » et « anti » France, débats autour de l’article 31 de l’avant-projet de la nouvelle Constitution sur la question de l’officialisation des langues nationales, en particulier du bamanankan ; l’affaire de « la vidéo blasphématoire contre l’islam » et la remise en cause du principe de la laïcité au Mali ; discussions houleuses contre et pour la décision de fermeture de la chaîne de télévision privée Djoliba TV News ; l’affaire du documentaire passé sur la chaîne de télévision française BFM TV sur « la société paramilitaire russe Wagner » où le jeune journaliste Malick Konaté est accusé de « trahir son pays » et la récente actualité sur un message audio de Ben le Cerveau… Les réseaux sociaux maliens s’enflamment crescendo dans un pays qui tente de se redresser tant bien que mal et où les ressorts de la cohésion demeurent très fragiles.
« Apatride », « traître », « ennemis du Mali », « le Mali ne se limite pas à une seule communauté » : des termes et expressions très utilisés sur les réseaux sociaux ces dernières semaines avec son lot de discours d’incitations à la haine et à la violence et de désirs de règlement de compte personnel longtemps nourris pour diverses raisons.
Ces plateformes sont devenues des espaces où se fait la promotion de la violence : « Tuez-le », « Enfermez-le », « Qu’il rentre au pays voir ». Ils ne sont plus, pour emprunter les termes si éloquents du journaliste Serge Daniel, des tribunes d’expression mais plutôt des tribunaux appelant à la vindicte populaire. Des tribunaux qui condamnent sans même avoir jugé, de surcroît, sur fond de rumeurs, de préjugés et de désinformation.
Des « influenceurs » sur les réseaux sociaux, parce que certainement se disent-ils très suivis, profitent de leurs plateformes pour ordonner, accuser, menacer, critiquer, vouloir faire taire, inciter, dresser les uns contre les autres.
Attention danger !
L’écrasante majorité des internautes, n’étant pas éduqués à pouvoir utiliser utilement et avec un esprit de raison les médias sociaux, sont manipulés et croient religieusement à tout ce qu’ils voient et entendent. Au contact permanent de mauvaises informations, ils constituent une masse mobilisable pour attaquer celui ou celle qu’on présente comme « ennemi », les idéaux et principes qu’on considère comme « anti-changement » ou « anti-autorités de la transition ».
Il faut prendre garde à ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Si nous voulons une population informée sur l’actualité, éclairée sur les sujets d’intérêt national, travaillons et battons-nous sans cesse à promouvoir la bonne information et à couper court aux rumeurs gratuites et infondées. Est-ce une société sourde et aveugle qu’on veut pour notre pays ? Où personne ne s’écoute et ne se supporte ? Où les débats et oppositions d’idées sont combattus ? Où le concept de diversité ne vaut même plus son sens ? Reprouvons la haine et la violence sur les réseaux sociaux !
Cet article a été initialement publié dans le cadre du projet Tabalé Kunkan axé sur la lutte contre la désinformation et les discours de haine, initié par l’ONG Search For Common Ground Mali et financé par l’Ambassade du Canada au Mali.