Les influenceuses sont confrontées au cyberharcèlement au Mali. Malgré l’existence de la loi sur la cybercriminalité, beaucoup de victimes n’osent pas dénoncer les prédateurs.
Diaka, 24 ans, est une influenceuse bien connue à Bamako. Avec plus de 400 000 abonnés sur le réseau social TikTok, elle partage ses expériences et fait la promotion des produits fast-food qu’elle vend à ses abonnés.
Pourtant, derrière le sourire et les tenues colorées qui transparaissent dans ses publications, se cache une réalité plus sombre. « Chaque jour, je reçois des messages haineux et des commentaires dégradants. Ceux à qui je ne réponds pas, ou les dragueurs à qui je ne cède pas, prennent plaisir à m’insulter continuellement, insinuant que mon commerce n’est qu’une façade pour la prostitution », témoigne-t-elle avec amertume. « Il est difficile de faire le tri, car la plupart se font passer pour des clients au départ. C’est épuisant et cela m’affecte énormément », ajoute-t-elle.
Naissa, une autre influenceuse comptant 1,7 million d’abonnés, a récemment craqué en larmes dans une vidéo en direct sur TikTok. Elle se plaignait d’être victime de diffamation, accusée sans preuves de faire partie d’un réseau de prostitution à Dubaï. Elle dit même avoir envisagé de supprimer son compte. La vidéo, largement relayée, a fait couler beaucoup d’encre.
Partie émergée de l’iceberg
Nabou Fall, entrepreneure, écrivaine et activiste engagée dans la promotion des droits des femmes, témoigne aussi avoir été harcelée sur les réseaux sociaux, y compris sur le réseau professionnel LinkedIn. « Le cyberharcèlement peut entraîner des conséquences terribles : dépression, voire suicide, bien que cela soit plus fréquent en Occident. On observe également des cas d’agression et d’arnaque. Il faut rester vigilant », conseille-t-elle.
Mais ces femmes, qui témoignent, ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Les violences sur internet ne sont que le prolongement des violences physiques que beaucoup de femmes maliennes subissent au quotidien.
D’après un rapport publié par l’agence des Nations unies pour la santé sexuelle et reproductive (UNFPA) en 2020, 45 % des femmes de 15-49 ans ont subi des actes de violences physiques ou sexuelles au cours de leur vie au Mali. Mais la majorité des victimes gardent le silence sur ce fléau. « Il y a la loi sur la cybercriminalité qui protège les influenceurs, mais encore faut-il que les victimes portent plainte, ce qui est rare », explique Moussa Touré, juriste et avocat au barreau du Mali.
Les femmes plus ciblées que les hommes
Selon le manager d’artistes et d’influenceurs Soumaila Traoré, la solution repose sur l’intervention d’intermédiaires. « Pour les célébrités, la mesure la plus efficace est de confier la gestion des réseaux sociaux à des community managers et la gestion des sponsors à des managers. Ces filtres humains les protégeront des attaques, car on ne peut jamais empêcher complètement les gens de se comporter de manière irresponsable derrière leurs écrans », propose-t-il.
Les conséquences psychologiques du harcèlement sont souvent négligées, explique Amina Sangaré, psychologue, qui ajoute que consulter un psychologue est parfois mal perçu. Pourtant, elle souligne qu’il est essentiel que les victimes de harcèlement reçoivent un soutien psychologique pour les aider à gérer le stress et l’anxiété causés par ces agressions.
Selon une étude de l’agence d’influence marketing Reech, 24 % des influenceurs sont victimes de cyberharcèlement, les femmes étant 27 fois plus ciblées que les hommes.