A Bamako, les célébrations d’anniversaire sont devenues des moments de quête de cadeaux, au grand dam des relations humaines qui sont souvent sacrifiées.
Tout comme les mariages, les célébrations d’anniversaire sont devenues le quotidien des Bamakois. Difficile de passer une semaine sans avoir l’attention attirée par un(e) ami(e), camarade ou proche, annonçant son anniversaire.
Si marquer sa présence aux côtés d’un être cher, en un heureux évènement de sa vie, est une belle preuve d’estime et de considération, le conduire cependant subrepticement à faire un geste financier, contre toute attente, peut être désagréable.
« Ça fait gagner des points »
Fêter un anniversaire avec faste n’était pas dans nos habitudes. En faisant un petit retour en arrière d’une dizaine d’années, nous n’en retrouverons pas trace.
Mohamed, un ami au « grin », pense que cette pratique est en vogue chez les jeunes filles : « Des hommes comme moi n’ont pas le temps de se casser la tête avec de faux problèmes comme cela. On se serre les coudes, nous. »
« Les feuilletons mon ami, les feuilletons ! Nos jeunes sœurs s’émeuvent avec les scènes romantiques vues à la télé. Elles veulent reproduire ce qu’elles ont appris chez les autres », explique Dramane, un autre camarade. Avant d’ajouter que l’exigence d’offrir un cadeau monte d’un cran lorsqu’on entretient des relations sentimentales avec la jeune fille : « Ça fait gagner des points, mon cher ! »
La lion du talion
Pour cette jeune bamakoise, Djénèba S., de nos jours la chaleur humaine ne suffit plus pour satisfaire les humains. Frustrés de n’avoir pas reçu de cadeaux, de nombreux « fêteurs » d’anniversaire ne manquent pas de garder rancune pour cette « indélicatesse » et se promettent d’appliquer la loi du talion ! Chacun a son tour chez le coiffeur, se disent-ils.
Cette autre jeune demoiselle, Mariam K., nous raconte qu’elle a assisté à la fête d’anniversaire d’une amie : « Elle avait un cahier dans lequel étaient inscrits, soigneusement, les noms de tous ceux qui lui ont apporté des cadeaux. C’était une façon pour elle de prendre bonne note de l’identité de tous ceux qui se sont dévoués pour elle et de tous ceux qui ne se sont pas soumis à la règle », lâche-t-elle avec le rire aux lèvres. « Difficile de se contenter simplement de souhaiter joyeux anniversaire», regrette Fatou, une amie d’enfance.
« Une sorte de tontine »
« Je suis prise de panique des fois quand on m’annonce l’anniversaire d’une amie. C’est une sorte de tontine pour moi, car il faut forcément payer sa part pour avoir celle des autres, à son tour », plaisante Mariam Koné.
Aissata D., elle, confie qu’elle dispose d’une sorte d’agenda mental où chaque date d’anniversaire d’une copine ou d’un copain est soigneusement sauvegardée. Djénèba S. ajoute que la situation est plus grave lorsqu’on se retrouve avec un(e) proche qui souhaite fêter son anniversaire avec faste : « Le cadre même et toute la publicité autour poussent à se fendre en deux pour satisfaire la personne estimée. »
Tout comme les festivités de mariage pour les femmes, où il faut contribuer financièrement pour partager des moments de bonheur avec ses proches, les fêtes d’anniversaire deviennent elles aussi des moments pour requérir l’attention financière d’un être estimé. Sans cela, des relations humaines supposées solides s’en ressortiront affaiblies. Le poids de l’argent semble avoir pris largement le dessus sur celui des relations humaines. Dommage !