Châtiments corporels à l’école : le principe moins décrié que la méthode
Credit photo : Iwaria
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Châtiments corporels à l’école : le principe moins décrié que la méthode

Désormais interdit en milieu scolaire, le recours aux châtiments corporels pour « redresser » les apprenants fait toujours des adeptes parmi les enseignants. Bien que de nombreuses voix s’élèvent contre les méthodes employées, le principe de la correction par le fouet n’est pourtant pas reprouvé.

L’article 26 de l’Arrêté n°10-0688 du 12 mars 2010 fixant règlement intérieur des établissements de l’enseignement fondamental dispose  que « les châtiments corporels sont formellement interdits». Cette interdiction par les textes n’empêche pourtant pas des enseignants, dans nos écoles, d’infliger des sévices corporels aux élèves placés sous leur autorité.

Le fouet est considéré comme un outil de travail indispensable pour l’enseignant malien. Jugés tantôt comme un moyen d’imposer le respect dû à son rang ou tantôt comme une technique extra-pédagogique pour faciliter la compréhension des notions enseignées aux apprenants, beaucoup d’enseignants ne se privent pas de recourir aux châtiments corporels.

« Une société bien éduquée »

Selon un enseignant du secondaire, le relâchement dans l’éducation dans nos familles se fait ressentir dans les classes. « L’enseignant, en plus de sa mission ordinaire de partage de savoir, devient un éducateur sans lequel il n’y aura plus pratiquement de garantie pour une société bien éduquée », estime-t-il.

Sitapha Koné, un parent d’élèves à Kabala, dans la commune rurale de Kalabancoro, ajoute que les parents veulent des enfants bien éduqués mais ne sont pas prêts à consentir des sacrifices pour cela : « Quoi qu’on dise, le fouet permet de redresser l’enfant. Un parent qui ne veut pas faire du mal à son enfant le laissera des fois entre des mains plus autoriséesC’est difficile à comprendre, mais c’est bien cela. »

Suppléant pédagogique

La peur du fouet développe mieux les facultés d’apprentissage des apprenants, pensent certains enseignants. « Ne recherchant pas les faiblesses en eux-mêmes, certains enseignants accusent les élèves de leurs propres lacunes », regrette Soumaila Fomba, psychopédagogue de formation.

Les châtiments corporels servent effectivement de suppléant pédagogique pour certains enseignants. A.T, maître de premier cycle de l’enseignement fondamental, explique que l’apprentissage des tables de multiplication par l’élève se fait plus facilement à l’aide d’un fouet. S. Fomba estime que les enseignants pourtant disposent de toutes les connaissances pédagogiques pour faciliter l’enseignement : « Le fouet est juste un prétexte pour refuser d’être enseignant. »

Pour Kalifa Koné, enseignant à la retraite, le recours aux châtiments corporels s’explique par le fait que les écoles sont bondées d’enseignants qui, soit n’ont jamais fréquenté des écoles de formation d’enseignants, soit ne comprenaient pas grand-chose aux cours de pédagogie dispensés.

Le recours aux châtiments corporels pour redresser un enfant est en fait une pratique héritée de nos sociétés traditionnelles. Autrefois, l’enfant était considéré comme appartenant à toute la société. S’il lui arrivait de mal se comporter, le meilleur conseil se donnait par des coups de fouet.

Cependant, l’enfant était corrigé de sorte à lui faire comprendre sa faute et le dissuader de toute récidive. Le but n’était pas de le battre à mort ou de lui retirer le goût  de vivre, même s’il ne manquait pas d’excès.

Ce qui est reproché aux enseignants, aujourd’hui, n’est pas tant le principe en lui-même que la méthode. Beaucoup d’entre eux infligent aux enfants des sévices sans mesure, retirant à ces derniers le goût de rester à l’école.

Décrochage scolaire

Mohamed a abandonné les études en classe de 8ème année de l’enseignement fondamental. Il est aujourd’hui propriétaire d’une boutique de vente de vêtements. Il a quitté les bancs à cause des coups de fouet quotidiens que lui infligeaient ses enseignants et le directeur de son établissement : « J’ai jugé que je n’étais pas un tam-tam qu’on pouvait battre à souhait. Ils allaient finir par me tuer. J’ai juré alors que je ne fréquenterai plus des bancs d’école. »

A travers les enseignants, l’école doit demeurer ce cadre qui renforce et poursuit l’éducation de l’enfant. Cependant, il est bon de prêcher ce principe qui prône qu’en toutes choses, il faut une juste mesure.

Au moment où partout dans le monde nous réclamons une scolarisation massive pour les enfants, il est inacceptable que par des mauvaises pratiques des élèves n’ont plus envie d’étudier.

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