Dans presque tous les établissements scolaires de Bamako, des élèves ont pris goût à l’école buissonnière au grand dam des autorités scolaires et parentales. Un fléau inquiétant.
Un « grin (groupe de discussion informel) », anodin à l’apparence, pourtant véritable passerelle vers la délinquance des jeunes. C’est généralement dans un bâtiment inhabité, aux alentours de l’établissement, à l’abri des regards indiscrets que des écoliers mettent leur avenir en péril en totale décontraction.
Pour la plupart âgés entre 14 et 18 ans, ces jeunes filles et garçons n’ont pas l’air de réaliser les conséquences de leur conduite. Tout de même, doit-ton leur accorder le crédit de l’inconscience ? Les adeptes de l’école buissonnière ne manquent pas d’arguments. « Je déteste les maths, c’est pourquoi pendant les heures consacrées à cette matière, je viens retrouver mes camarades au grin », se justifie O.S., élève dans un lycée de la place.
T. déplore, quant à lui, la politique trop stricte des établissements scolaires. « Il suffit d’être en retard de 10 minutes pour qu’on ne t’accepte pas en classe. Les élèves viennent donc passer le temps avant la matière suivante», poursuit l’adolescent. Il faut également noter l’absence récurrente des enseignants qui encourage ce phénomène.
Risque de grossesses non désirées
S’il ne s’agissait que de bouder les classes pour se retrouver entre potes, ce que je ne conseille pas aux apprenants, les dégâts seraient moindres. Mais la consommation des stupéfiants est chose courante dans ces lieux. Un marché pour les petits dealers de dope du quartier et un lieu de drague par excellence. C’est donc un site propice aux mauvaises fréquentations, ce qui peut aboutir à l’initiation au deal, au vol et à d’autres dérives. Et qui dit stupéfiants et mixité, dit forcément relations sexuelles. Il en résulte même des grossesses non désirées.
Par ailleurs, un absentéisme prolongé conduit à de mauvaises notes pouvant entrainer généralement une exclusion ou un décrochage scolaire. Mais de nos jours, il est facile de berner les parents avec un bulletin de notes falsifié, même si ce mensonge est tôt ou tard étalé au grand jour à la fin de l’année ou dans les classes d’examen. Il permet tout de même de détourner l’attention des parents pendant un bon moment.
Les élèves ne manquent pas d’astuces pour cacher leur jeu. Ils viennent, par exemple, avec des grands frères du quartier en cas de convocation parentale ou soudoient souvent des enseignants pour des notes. Cette deuxième astuce est surtout fréquente chez les filles, qui n’hésitent pas à proposer des relations sexuelles en contrepartie.
Responsabilités partagées
Les acteurs de l’école se renvoient la balle. Kader Cissé, parent d’élève, estime que l’établissement est le premier responsable : « L’école est un lieu d’éducation. On leur confie nos enfants. Il est donc de leur devoir de les protéger.»
Selon Housseini Bocoum, un sociologue qui s’est penché sur ce phénomène, beaucoup de parents sont conscients de la situation mais ne s’organisent pas avec les responsables des établissements scolaires pour avoir un contrôle sur les enfants. « Il est pratiquement impossible de garder un œil sur les élèves lors des recréations et dans leurs activités extra-scolaires, surtout dans les écoles non clôturées », prévient-il.
A mon avis, ce sujet doit faire l’objet d’un débat public pour qu’une solution soit vite trouvée. Et couper le pont vers cette descente aux enfers de nos jeunes frères et sœurs.
Un debat national.