La pénalisation des violences domestiques à l’encontre des femmes est jalonnée d’obstacles au Mali. Elles sont souvent encouragées par la société, qui dicte aux femmes la soumission au nom du « Mougnou ni Sabali »
Au Mali, on va jusqu’à lier la réussite d’un enfant à la capacité de sa maman à encaisser les coups et les injures de son conjoint : « Mousso sabalilen den be barika ». Les violences basées sur le genre (VBG) font partie intégrante du quotidien. Selon l’enquête démographique et de santé datée de 2018, la moitié des femmes de 15 à 49 ans en union ou en rupture ont subi des actes de violences physiques, psychologiques ou sexuelles à un moment dans leur vie. La même étude estime que 68 % de ces femmes n’ont jamais cherché de l’aide et n’en ont parlé à personne.
D’autres types de violences sont aussi soulignées dans l’étude. Il s’agit notamment des mutilations génitales féminines, qui touchent plus de 70% des femmes de 15 à 49 ans, des mariages précoces affectant 56,35% des femmes de 15 à 59 ans et, enfin, de la non-scolarisation des filles.
« Des chiffres qui interpellent »
« Ces chiffres interpellent. Une loi et une pénalisation de ces violences basées sur le genre est la meilleure solution », plaide Camara Amintou Touré, coordinatrice du programme Debbo Alafia à Tombouctou.
De fait, les femmes n’ayant généralement pas la force de quitter leurs relations toxiques cherchent tous les moyens pour évacuer leurs douleurs. L’extérieur leur permet en quelque sorte de rendre leur existence plus acceptable. La plupart des victimes trouvent comme seule échappatoire le fait de sortir pour changer d’air, aller au boulot, participer aux manifestations sociales. D’autres se confient, ce qui pourrait les amener à dénoncer leurs bourreaux et surtout aller à l’hôpital pour panser leurs blessures.
« Certaines finissent par être tuées un jour »
Certaines retournent chercher du réconfort dans leurs familles sans être bien accueillies. « Malheureusement, la famille n’est plus le refuge où tu peux te rendre. Tu te rends compte que tu n’as plus ta place là-bas. », confie Amintou Touré. Avant d’ajouter : « On te dit juste de retourner pour t’entendre avec ton mari, c’est ainsi que certaines finissent par être tuées un jour. »
La crise de la Covid-19 a eu une incidence certaine sur les violences à l’égard des femmes. Pour Hamsa, un commerçant, ce sont les malheurs qui arrivent avec cette pandémie : « Les hommes ont d’abord été obligés d’observer le couvre-feu, de rester dans un endroit qu’ils fuient presque. Ensuite, depuis la levée du couvre-feu, on se rend compte que les affaires ne marchent plus comme avant. Tu deviens nerveux et les enfants sont toujours sur ton dos quand tu rentres. »
Le constat est que la Covid-19 rend la pénalisation des violences basées sur le genre urgente pour qu’un jour nous puissions mettre un terme au fléau. La sensibilisation des communautés sur certaines de ces pratiques violentes envers les femmes doit continuer pour leur permettre de trouver la place de citoyenne ayant les mêmes droits et les mêmes devoirs que les citoyens de sexe masculin. Pour que le processus aille vite, il faut la loi, nous ne le dirons jamais assez.
Pour que le processus aille vite, il faut la loi
Kadia Djiguiba
Kadiadjiguiba@gmail.com
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