Dans ce billet, notre blogueuse Foutey Kongho, s’interroge sur l’exclusion des femmes mariées par les membres du grin, qui, estime-t-elle, devraient venir avec leurs épouses.
Le grin, est, pour moi, un espace bien bizarre qu’on ne trouve qu’au Mali. Il est créé dès un certain âge, avec des jeunes qui se retrouvent devant la porte de l’un d’entre eux pour discuter, prendre du thé entre amis ou camarades de classe. D’autres fois, il rassemble des personnes de divers âges, divers horizons, diverses ethnies du Mali. Même si, le plus souvent, il est constitué d’hommes. Les filles sont la bienvenue dans la majorité des grins de jeunes. Mais, attention, très souvent les épouses des membres du grin y sont persona non grata !
Les membres du grin ont l’esprit très ouvert : ils acceptent les copines d’autres membres avec courtoisie. D’ailleurs, il y a des filles qui arrivent à se faire une place, à titre personnel, dans un grin. Mais, ne soyons pas naïfs : elles y vont toujours parce qu’elles font la cour à un membre du grin et sur lequel elles veulent mettre le grappin. Elles y vont, tirées à 4 épingles, alors que les hommes sont complètement décontractés, préparant leur opinion ou cherchant à convaincre l’assemblée sur un sujet qui leur tient à cœur. Les sujets de discussions et les joutes verbales ne manquent jamais là-bas.
Les femmes, sujet de discussion
D’ailleurs, les membres du grin n’aiment pas voir la gent féminine dans ses rangs, car ils raffolent des discussions sur les femmes. Ils partageant leurs avis, souvent sexistes, y compris en s’appuyant sur ceux venant de leaders religieux ou d’animateurs appelés volontiers « guides ». Quand ce ne sont pas les joutes opposant supporters du FC Barcelone à ceux du Real de Madrid, ce sont des oppositions entre supporters de l’imam Haïdara (président du Haut conseil islamique) et ceux de l’imam Mahmoud Dicko.
Au grin, tant qu’ils ne parlent pas de foot et de politique, ils discutent des femmes et de tout ce qu’ils ont à leur reprocher. C’est d’ailleurs le sujet de prédilection des grins des hommes mariés.
Yacouba Dramé, blogueur, marié et inconditionnel du grin, soutient que les femmes n’ont pas à s’en faire : au grin, il y a toujours un défenseur des femmes. Une personne qu’ils considèrent tous comme un fou, qui a toujours des arguments féministes ou en faveur des femmes. Pourtant, le premier des reproches qu’ils font aux femmes, c’est le rejet du grin : cet espace démocratique qui favorise parfois nos rencontres. C’est presque drôle.
Ras-le-bol
Mais quelle femme, qui fréquentait le grin avant son mariage, ne serait pas inquiète de voir son mari y aller, assidûment, plus qu’à la mosquée ou à l’église ? Surtout ceux qui vont au grin la nuit ! Ils vont au grin l’après-midi et y retournent la nuit. « C’est à peine si leurs mains lavées après le dîner arrivent à sécher. Pas le temps de boire le thé que je prends tout mon temps pour lui préparer. C’est à peine s’il regarde le journal télévisé… il sort en courant, on dirait Superman », me confie Aïssata, une jeune sœur qui vient de se marier.
Avec le ton sur lequel elle s’est confiée à moi, j’ai compris qu’elle en avait déjà ras-le-bol du grin et des sorties de son mari qui rentre bien tard à son goût. « Il va dans son maudit grin et je reste seule à la maison, à regarder la télé ou dormir. Il ne se rend même pas compte que je peux avoir peur ou que j’ai besoin d’un certain moment de tranquillité avec lui, au salon », ajoute-t-elle.
Les adeptes du grin trouvent que c’est un aspect important de notre culture, qui permet à beaucoup de se confier et d’échapper à l’asile psychiatrique. Par contre, les femmes mariées aux adeptes du grin ne partagent pas ce point de vue. Même si elles ne peuvent revendiquer une dissolution de tous les grins en République du Mali, elles demandent un allègement des heures de fréquentation, avec une période de bannissement pour les jeunes mariés : après les 3 premiers mois du mariage. Ou que le chef de grin exigent qu’ils y viennent avec leurs jeunes femmes.