La lutte contre la corruption et le renforcement de la démocratie semblent être les deux piliers essentiels dans le cadre de la refondation au Mali.
Ces dernières années, les griefs portés contre plusieurs années de gouvernance décriée ont conduit à une grave crise sociopolitique au Mali. Depuis 2012, le pays traverse une crise multidimensionnelle dont il peine à tourner la page, et cela malgré une forte présence internationale en soutien aux autorités maliennes. La grogne sociale s’est amplifiée au fil du temps et a fini par rendre possible la création d’un regroupement qui a pris le nom de Mouvement du 5 La lutte contre la corruption et le renforcement de la démocratie semblent être les deux piliers essentiels dans le cadre de la refondation au Mali.juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). En créant un espace d’expression des colères locales, le M5-RFP a su mobiliser sans grande difficulté.
La multiplication des manifestations par le M5-RFP a donné lieu à un blocage, amenant ainsi l’armée à intervenir pour déposer le président Ibrahim Boubacar Keïta, le 18 août 2020. De nombreux maliens ont alors imaginé et porté le projet d’un nouveau départ. Dès lors, les termes fusent : « nouveau Mali », « nouveau type de malien », « refondation ». C’est justement ce dernier qui attire l’attention, car le gouvernement de transition, mis en place le 5 octobre 2020, a dédié un ministère à cette mission. Pour marquer l’importance du sujet, le département créé arrive en 6è position dans l’ordre protocolaire, devant l’économie et les finances ou encore les affaires étrangères.
Se remettre en question
La question est de savoir ce qu’il faut concrètement entendre lorsqu’on parle de refondation. Dans le contexte malien, le langage populaire évoque une « refondation du Mali », tandis que les autorités évoquent une « refondation de l’État ». Le point de convergence peut se retrouver sur l’unanimité autour d’une absence d’évolution globale dans le bon sens.
De ce constat, les deux composantes que sont les gouvernants et les gouvernés doivent se remettre en question. La refondation ne se décrète pas. Elle est la résultante de plusieurs actions menées à travers les reformes au sein de l’État et le changement de posture de la part des citoyens. Il s’agit précisément d’une redéfinition du « contrat social » en vue d’évoluer vers la satisfaction du plus grand nombre.
Lutte contre la corruption
Dans la situation malienne, la corruption est reconnue comme étant le phénomène qui est la source principale de la dégradation de la situation. Le président de la transition a fait de sa réduction son cheval de bataille. Ce serait une véritable refondation si l’État malien parvenait à imposer des actions durables de lutte contre la corruption.
Cependant, il sera très difficile pour les citoyens d’agir durablement seuls contre cette pratique devenue courante et qui s’est tellement enracinée que ne pas la pratiquer relève d’une anomalie. Le « nouveau type » de Malien prôné par certaines personnes devra être d’abord celui qui refuse la corruption. La question, dans ce cas, est alors de savoir si son pouvoir d’achat le lui permet, sachant que plus de 80% des Maliens vivent sous le seuil de pauvreté. Le soutien de l’État est donc vital à ce processus.
Renforcer la démocratie
Le deuxième volet de la refondation est, à mon avis, le renforcement de la démocratie. Les Maliens doivent choisir librement leurs dirigeants. Cela dépend de la confiance placée au processus électoral. Le taux de participation, qui atteint péniblement les 30%, doit augmenter au risque de produire des dirigeants peu légitimes et audibles. Pour éviter une telle situation, l’enracinement d’une démocratie crédible au Mali doit se faire à partir d’un fichier électoral de bonne qualité, du respect des lois électorales et d’absence de tout soupçon de partialité de la part de l’autorité en charge du processus.
Une fois élu sur la base d’un projet politique, le décideur local ou national a l’obligation de faire vivre les principes démocratiques que sont l’information, la participation des citoyens aux débats, la transparence et le contrôle. Le citoyen doit pouvoir disposer d’une marge de manœuvre suffisante pour demander des comptes à celles et ceux qu’il a choisi(e)s.
Il est certes difficile pour la transition actuelle de tout faire. Mais elle peut entamer le processus et permettre aux citoyens de se doter de bonnes habitudes en vue de l’amélioration de la situation du pays. La lutte contre la corruption et le renforcement de la démocratie semblent être les deux piliers essentiels de cette volonté de refondation qui anime les Maliens.
Boubacar Salif Traoré est directeur du cabinet Afriglob Conseil.