L’absence de l’État dans le nord du Mali a ouvert un boulevard à l’activisme des groupes qualifiés de terroristes, aux brigands et autres narcotrafiquants. Ils enlèvent abusivement les populations. Ces derniers mois, des jeunes filles et des femmes dans la région de Gao, y compris celles mariées, sont enlevées sous le prétexte de collecter la zakat.
Ils sont actuellement les véritables maitres dans les zones rurales où l’État est absent depuis 2012. Les populations vivant dans les trois communes rurales relevant du cercle de Gao (Soni Ali Ber, Gounzourey et In-tillit) souffrent.
Presque trois à quatre fois par an, elles doivent payer la zakat aux maitres des lieux. Ces prélèvements sont opérés suivant la valeur de la richesse des chefs de familles. Ceux qui n’ont pas de ressources pour s’en acquitter sont souvent brutalisés. Cet « impôt » est perçu soit en argent soit en nature, payé contre la protection que ces acteurs armés disent apporter à la population.
Un phénomène inédit
Selon la Minusma, si « la soumission forcée des populations locales au paiement de la ‘’zakat’’ se limitait autrefois à une contribution financière », les prélèvements ont été élargis depuis au bétail, aux récoltes, aux commerces, etc. « Le non-paiement de cette ‘’taxe’’ expose les populations à des représailles, comme des enlèvements », indiquait, fin mars, la division des droits de l’homme et de la protection de la mission de l’ONU.
Ces derniers mois, nous constatons un phénomène inédit dans le versement de la zakat. Ainsi, ces acteurs armés obligent les chefs de familles, incapables de payer, à donner une de leurs filles. Dans sa note, la Minusma alertait déjà sur « des cas d’enlèvement de femmes et de jeunes filles par des éléments appartenant à AQMI et autres groupes similaires », notamment dans les régions de Gao et Mopti « sous le prétexte de collecter la ‘’zakat’’ ». Elle a ajouté que certaines de ces femmes ou jeunes filles ont subi des viols ou ont été victimes « des mariages d’enfants, précoces ou forcés ».
Il faut souligner que ces groupes sont en concurrence pour l’accès aux ressources des villages. Et ce sont les habitants qui paient le prix fort. Ils opèrent essentiellement dans les hameaux ou les campagnes nomades de ces communes. « Cela fait maintenant six mois que la deuxième fille de notre voisin de campement a été enlevée par les groupes armés occupant la commune d’In-Tillit. Il a finalement préféré quitter notre campement pour éviter d’être constamment indexé par les habitants », confie Touwa, déplacée à Gao, originaire du village d’Int-illit
Absence de l’État
Le silence des habitants profite aux hommes armés dont certains ne visent que les filles ou femmes très jeunes et matures. De même, ces acteurs mettent aussi en joue celles issues des milieux n’ayant pas de contact avec la ville, donc coupées des réseaux téléphoniques et routiers.
Le plus dramatique dans cette situation est que même les femmes nouvellement mariées sont enlevées pour la zakat. « Le grand frère d’un voisin s’est vu retirer sa femme par les hommes armés réclamant la zakat. Il est sans défense et n’a pas de ressources pour satisfaire l’exigence de ces hommes qui lui ont même dit de quitter la zone. C’est pourquoi, il s’est installé à Gao », témoigne Hamidou, habitant de Gao, originaire de la commune de Soni Ali Ber.
Les populations pâtissent de l’absence de l’État dans les zones reculées. Aussi, la levée d’impôt est un attribut légal de l’État. Pourtant, dans les communes rurales de Soni Ali Ber, Gounzourey et In-Tillit, ce sont d’autres acteurs en armes qui se sont désormais arrogé ce privilège. L’État doit restaurer son autorité sur ces territoires.