Depuis l’assassinat, le 19 janvier dernier, de l’imam Abdoul Aziz Yattabaré, secrétaire général du Haut-conseil islamique, il y a une résurgence du débat sur l’application de la peine capitale au Mali. Le samedi 26 janvier 2019, au cours d’un meeting regroupant 4 000 personnes, un collectif d’associations de musulmans a réclamé son application, suspendue pourtant depuis des décennies. Le même jour, un apprenti de Sotrama (transport en commun) a été égorgé par un passager qui a été, à son tour, lynché par une foule d’apprentis. Auparavant, Oumar Touré, jeune commerçant, a été assassiné chez lui à Yirimadio, quartier de Bamako, le 25 janvier. Face à ce déferlement de violences-certains parlent de « banalisation de la violence » -, faut-il appliquer la peine de mort comme moyen de dissuasion ? C’est la question à laquelle répond Me Cheick Oumar Konaré, qui estime que le vrai problème est ailleurs, dans un texte qu’il a publié et que nous reprenons avec son accord.
Face à la multiplication des assassinats dans leur capitale, notamment celui de l’imam Abdoul Aziz Yattabaré, beaucoup de Maliens exigent l’application de la peine de mort. Ils croient y trouver un puissant instrument de dissuasion et de répression de la criminalité galopante.
Certes, le Code pénal malien prévoit cette peine pour de nombreux crimes, mais son application est suspendue depuis trois décennies. La pression des organisations de droits de l’homme (Amnesty international, par exemple) et des puissances occidentales opposées à la peine capitale (la France en tête) ne sont pas étrangères à cette suspension qui s’analyse en une abolition de fait de ladite peine.
Mais avant de lever le moratoire que le Mali observe sur l’application de la peine capitale, il faut, à mon avis, répondre aux interrogations suivantes :
* La justice malienne a-t-elle assez d’expertise et de moyens pour éviter les erreurs conduisant à l’exécution d’un innocent ?
* L’Etat a-t-il assez de force pour appliquer la peine de mort à tous les coupables, y compris aux rebelles du nord du Mali qui, au sens de la loi, doivent être fusillés pour avoir pris les armes contre leur patrie ? Sinon, quelle équité y aurait-il à appliquer la peine de mort à certains criminels et non à d’autres ?
* A-t-on songé au fait que malgré l’application effrénée de la peine capitale, les États-Unis d’Amérique gardent la plus forte population carcérale au monde ?
Je ne m’oppose pas, dans le principe, à la l’application de la peine de mort, mais je crois qu’elle ne servirait à rien si elle ne s’accompagnait pas de mesures vigoureuses tendant à éteindre les cinq principales causes de la criminalité au Mali:
* la faillite de l’éducation familiale, scolaire et civique qui jette dans les rues de véritables monstres;
* la pauvreté des masses, singulièrement des jeunes qui, privés d’emplois et de revenus, cherchent refuge dans le crime ;
* les guerres au nord et au centre du pays qui ne peuvent que s’exporter au sud et hors du pays;
* l’inefficacité, voire la complaisance des tribunaux envers les délinquants, surtout ceux en col blanc ou qui se prévalent d’appuis politiques;
* la mauvaise politique de sécurisation des villes et des quartiers.
En un mot comme en mille, le Mali ne connaîtra ni sécurité, ni paix, ni développement s’il n’arrive pas à assurer de manière continue une justice et une gouvernance exemplaires.
Je partage pleinement le point de vue de Me Konare
C’est aussi ma position sur le sujet
D’accord sur le principe mais il faut créer les conditions idoines pour le faire.