Série radiophonique « Baroni » : mal ou thérapie ?
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Série radiophonique « Baroni » : mal ou thérapie ?

Largement suivie par la gent féminine à Bamako, la série radiophonique « Baroni » est considérée comme un mal par certains, une thérapie par d’autres.

Il est 10 h passées dans la grande famille Sangaré de Bolibana, quartier situé au cœur de Bamako, la capitale malienne. Fatoumata est de retour du marché. Elle s’affaire à préparer le 2e  repas de la journée. A côté d’elle, un poste radio retentit. C’est son compagnon de tous les jours. Au programme : un feuilleton radiophonique dénommé « Baroni», qui fait un tabac dans la capitale malienne.

Ce genre radiophonique a émergé dans les années 90, avec le pluralisme médiatique. Depuis, on le retrouve dans les grilles de programme de la plupart des stations radios. A l’intérieur comme dans les centres urbains, le Baroni occupe le peloton de tête des audiences. L’émission traite de faits de société avec un brin d’humour. Et chacun semble y trouver son compte.

A la base, elle avait deux objectifs : divertir et éduquer. Mais au fil du temps, elle est devenue un moyen de railleries et source de tensions entre coépouses, belles-sœurs et belles mères. Des disputes autour du Baroni virent assez souvent à la bagarre et se terminent à la police.

« Sôfou », source d’altercations dans les foyers

Kassim Soumano, vedette de La famille, la série radiophonique de la radio Liberté FM, en sait bien quelque chose. L’auteur du jargon incendiaire « sôfou » dit avoir plusieurs fois été convoqué par la sécurité intérieure. « J’ai été convoqué à la direction générale de la sureté nationale qui avait enregistré plusieurs plaintes, car des belles-sœurs se moquaient les unes des autres, des coépouses se provoquaient ou des aides ménagères qui clashaient leurs patronnes», témoigne Kassim Soumano.

En effet, « sôfou », déformation du mot « choquer », est l’un des jargons provocateurs les plus connus des amateurs de cette émission. Le terme est largement employé par des femmes pour se moquer de leurs rivales. Ce qui n’en est pas du tout l’esprit, selon M. Soumano. « Lorsque je veux réprimer quelqu’un dans l’émission, je l’utilise pour prévenir les membres de la famille qu’il y aura une dispute », explique Kassim Soumano, dit « Bah ». Il  s’empresse de préciser : « J’ai déformé le mot ‘’choquer’’ dans le but de distraire mes auditeurs.»

Pour certains, l’émission Baroni est à l’origine de nombreuses altercations dans les foyers. « Chez nous, impossible de passer une semaine sans que deux personnes ne se battent pendant la diffusion de l’émission. Finalement celles qui n’en peuvent plus sortent de la maison et n’y reviennent qu’à la fin », raconte Awa Diallo, une auditrice.

Médiation

Mais la série radiophonique n’est pas que conflictogène. Une habitante de Lafiabougou, en commune IV du district de Bamako, qui a requis l’anonymat, témoigne : « J’ai eu recours à l’équipe de ‘’Baroni’’ pour résoudre un problème qui m’opposait à mon mari ». Seconde épouse, son mari lui avait promis de ne plus avoir de relations intimes avec sa première femme. C’est sur la base de cet accord que leur union a été célébrée. Mais l’époux ne tient pas sa promesse.

Quelques années après, notre interlocutrice apprend que sa coépouse est enceinte d’une grossesse de père inconnu. Puisque le mari avait refusé la paternité de l’enfant. Coup du hasard, la radio Liberté FM diffuse un épisode  sur un problème similaire. Après l’émission, la seconde épouse a finalement réalisé que son mari l’avait trompée. L’enfant de sa coépouse était le sien. Elle a aussitôt sollicité la médiation de l’équipe de Baroni. « Nous nous sommes rendus chez eux pour sensibiliser le monsieur qui a finalement reconnu son enfant », révèle Kassim Soumano, dont  l’enfant porte le nom en hommage.

Garde-fous

Pour Hamma Yalcouyé, assistant en sociologie de la communication et des médias à la Faculté des sciences humaines et des sciences de l’éducation de Bamako, les feuilletons radiophoniques contribuent à « consolider la paix et jouent le rôle de garde-fous dans notre société ». Aussi, permettent-ils aux auditeurs de s’identifier aux personnages et surmonter leurs problèmes. Mais lorsque que le sujet touche à notre réalité, « on se sent naturellement visé ».

Kassim Soumano, qui déforme le français dans le but d’amuser son auditoire, rappelle que la finalité est d’éduquer et sensibiliser. « Ces objectifs ne peuvent être atteints que si les auditeurs utilisent les contenus à bon escient », conclut-il.

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