Le Mali est un pays majoritairement musulman. Pourtant, une écrasante majorité se livre à des pratiques syncrétistes : fétichisme, cauris, géomancie, entre autres. Et nos routes en font les frais.
Œufs, jarres cassées, plantes médicinales, colas de toutes couleurs dispersées çà et là, posés en plein milieu de la route. Voilà une scène presque quotidienne dans la capitale malienne, et même au-delà. La voie publique est désormais assaillie par ces produits servant de sacrifices.
Pour beaucoup de Bamakois, faire les sacrifices demandés par des charlatans serait une solution à leurs problèmes ou une source de protection. C’est la raison pour laquelle nombreux sont ceux qui s’adonnent à cette pratique. Ces sacrifices sont jetés au vu et au su de tout le monde aux intersections des routes et grands carrefours. On y retrouve toutes sortes de dépôts faisant de nos routes des endroits dangereux et sales.
Instruction du marabout
Ma voisine, Maimouna, me raconte qu’elle a l’habitude de casser des œufs à l’intersection d’une route sur instruction de son marabout. Intriguée, je lui demande si elle a honte lorsqu’elle est vue par les passants : « Je suis souvent gênée de le faire. Cependant, je me dis que tout le monde le fait presque, cela sert d’excuse », se défend-elle
A l’opposé de Maimouna, Oumou n’éprouve aucune gêne. Elle croit fermement au fait que les sacrifices peuvent contribuer à sa protection : « Je ne vois pas pourquoi j’aurais honte de me protéger. C’est comme si on demande à un malade d’avoir honte de se faire soigner à l’hôpital. Pour moi, il faut se défendre, demander la grâce et l’accompagnement des génies protecteurs », explique-t-elle.
Incivisme
Ces objets, qui salissent nos routes, n’ont jamais suscité une quelconque réaction des autorités pour dénoncer la pratique. Cependant, au sein de la population, nombreux sont ceux qui voient cette pratique comme une sorte d’incivisme.
Mamadou, un grand frère du quartier qui est fortement contre ces croyances, préfère qu’on offre ces sacrifices à ceux qui sont dans le besoin. Il va plus loin : « Ils ne sont pas intelligents ces gens-là, les sacrifices les mieux acceptés sont ceux qui sont offerts aux pauvres. Je suis vraiment contre ces choses dégoûtantes sur nos routes ». Ainsi, pour lui, le sens du civisme, les notions de propreté et d’hygiène sont totalement délaissées au profit de ces sacrifices « qui ne servent à rien ».
Un autre fervent religieux de mon quartier, qui a requis l’anonymat, trouve qu’il n’y a pas meilleure protection que la prière. Pour lui, ces pratiques s’assimilent au syncrétisme.
Pour moi, il est préférable de donner ces sacrifices aux plus démunis. Ils sont sur nos artères tous les jours à la quête du pain quotidien. Chacun a, certes, droit à la liberté de pensée ou de religion. Cependant, contribuer à assainir nos routes est aussi est une forme de civisme.
Ces pratiques confirment malheureusement la fameuse assertion selon laquelle « au Mali, il y a 95 % de musulmans, 5 % de chrétiens et 100 % d’animistes ».