A Bamako, capitale du Mali, les eaux usées de plusieurs sites de teinture, non canalisées, ni traitées s’écoulent directement dans le fleuve Niger (Djoliba).
« Dans un quartier populaire comme Missira, impossible de creuser une fosse septique pour y déverser les eaux usées. Nous avons toujours trouvé normal d’utiliser ces caniveaux devant la porte. Ils servent à faire évacuer nos eaux sales à mon avis », se justifie Saran Diakité, teinturière depuis une vingtaine d’années. La quinquagénaire, qui emploie une dizaine de personnes, a pu s’offrir une maison et une voiture grâce à cette activité.
A Bamako, la teinture artisanale nourrit son homme et auréole l’image du pays au-delà de ses frontières africaines. Ces beaux mélanges de couleurs sur le bazin sont le résultat de prouesses artisanales reconnues.
Un danger pour les espèces aquatiques
Chaque quartier de la capitale malienne compte plusieurs teintureries. Des femmes passent la journée à tremper les tissus blancs de bazin dans des bassines remplies de colorants chimiques. Cela, avec des moyens de protection rudimentaire : juste des gants pour se protéger les mains et des bottes pour les pieds. Les eaux sont directement déversées à même le sol où dans les caniveaux dégageant dans l’air une odeur nauséabonde tout autour du site.
Dans la majorité des cas, ces déchets liquides non traités finissent dans le fleuve Niger, qui traverse la capitale malienne, Bamako. Or la teinture artisanale a recours à des colorants composés de pétrole, de métaux lourds, de colorants azoïques, de formaldéhyde et de chlore. Des composants très nocifs pour la santé humaine et l’environnement.
Au Mali, certaines teinturières peuvent utiliser jusqu’à 12 produits colorants : des colorants synthétiques, des solvants, des métaux lourds. En plus de leur toxicité, ces polluants sont persistants, c’est-à-dire peu ou pas (bio)dégradables à court terme. Donc, ils demeurent dangereux pendant longtemps pour les espèces aquatiques et même l’Homme. « Les espèces comme les poissons peuvent ingérer des molécules issues de ces eaux de teinture. Cela peut causer différents types d’affection comme les fibroses et même dans certains cas des perturbations de leur système endocrinien en affectant ainsi leur reproduction par exemple. Cela va ainsi engendrer, entre autres, la diminution des populations de poissons ou de poissons en bonne santé. Ceci est valable pour d’autres espèces aquatiques comme les oiseaux aquatiques, les reptiles, les batraciens, etc. », explique Sidi Bah, président de la coalition nationale pour la sauvegarde du fleuve Niger.
En somme, c’est toute la biodiversité du fleuve qui peut être affectée lorsque la proportion d’eaux usées dépasse la capacité d’autoépuration du fleuve.
Traiter ces eaux usées
Selon Bah, des techniques et technologies de traitement des eaux usées issues des teintureries existent et peuvent être installées. « Plusieurs initiatives ont été entreprises à Bamako et dans d’autres villes du pays en organisant en coopératives les teinturières pour les regrouper dans des espaces centralisés dans différents quartiers, témoigne-t-il. Des ouvrages de collecte et de traitement de leurs eaux usées ont été réalisées. » Selon lui, faudra faire le point sur ces initiatives pour déterminer ce qui a marché et les points faibles pour tirer des leçons et proposer des solutions techniques adaptées et durables.
Outre la pollution du fleuve par leurs eaux usées, les teinturières s’exposent à des produits hautement toxiques. Elles doivent prendre conscience du danger et mieux se protéger en portant des équipements adaptés. Car les émissions gazeuses de ces teintures sont tout aussi toxiques, voire plus, que leurs eaux usées. Il faut, donc, qu’elles cherchent après des appuis nécessaires pour leur installation sécuritaire pour une bonne collecte et un traitement adéquat de ces eaux usées avant leur rejet dans le fleuve.
Il est important de rappeler que le règlement national sur la pollution interdit le rejet de tels types d’eau polluante dans les cours d’eau. La prise en compte des dispositions, pour éviter la pollution de l’eau, permettra de protéger la santé des teinturières, la santé publique des populations dans la proximité de leurs activités et les écosystèmes aquatiques du fleuve face à ce type de contaminants.