La pollution du fleuve Niger devient de plus en plus inquiétante. Il est plus qu’urgent d’y faire face pour trouver une solution afin de ne pas tuer une des activités phares de notre patrimoine culturel : la pêche. A Bamako, des pêcheurs lancent un cri de cœur.
Pas de poisson, pas de pêche. C’est bien vers cette réalité que nous nous dirigeons si rien n’est fait pour protéger le fleuve. « L’homme se doit d’être le gardien de la nature et non son propriétaire », nous rappelle à juste titre Phillipe Saint Marc. Il est bien triste de constater que, depuis un certain temps, les conséquences de la pollution se remarquent dans les filets de nos pêcheurs.
Cela n’a rien d’étonnant, au regard de l’état actuel du fleuve. Rien qu’un coup d’œil suffit pour se rendre compte de la gravité de la situation.
Changement d’activité
Comme des milliers d’autres pêcheurs, Mama Séréta s’inquiète, car la pollution du fleuve a bouleversé son activité. « Il n’y a presque plus de poisson. Leur nid étant bouché par les déchets de toutes sortes déversées dans le fleuve, les poissons n’ont plus d’endroit où vivre en paix. C’est pourquoi, même quand ils arrivent par le courant d’eau, ils passent », explique-t-il. Aujourd’hui, « la plupart des pêcheurs ont changé d’activité », ajoute-t-il, ou n’ont plus la pêche comme activité principale génératrice de revenus. Certains sont devenus chauffeur de mototaxi. D’autres font le maraichage.
« Voir un pêcheur dans le maraîchage est la preuve que ça ne va pas », selon Drissa Djenepo qui a aussi diversifié ses activités. « Avant, nous vivions de cette pêche. Nous faisions vivre nos familles et d’autres personnes. Nos revenus journaliers pouvaient aller jusqu’à cinquante mille francs CFA. » Souvent même au-delà. Notre témoin n’a pas hésité à nous montrer avec fierté sa moto de 100.000 francs CFA acheté grâce à une nuit de pêche.
« Si le gouvernement pouvait trouver une solution par rapport aux déchets qui sont déversés dans ce fleuve, cela nous aiderait énormément », plaide Djenepo. Pourtant, il existe une loi portant interdiction non seulement de la production, de l’importation mais aussi de la commercialisation des sachets plastiques non biodégradables dans notre pays.
« Ni de poisson, ni de pêche dans dix ans »
Mais, il suffit de jeter un coup d’œil en passant près du fleuve pour se rendre compte à quel point le problème est alarmant : ce sont les sachets noirs accrochés aux arbrisseaux qui occupent son lit. Il est indéniable que les sachets plastiques ne sont pas les seuls facteurs de pollution du fleuve. Nous pouvons citer, entres autres, les produits chimiques issus des activités de teinturerie artisanale, des déchets et des animaux morts. Dans certains endroits, c’est l’orpaillage par dragage. Et toutes ces activités contribuent à cette pollution.
« A cette allure, on ne parlera plus de poisson de fleuve, ni de pêche dans dix ans peut-être. Même pas de fleuve », insiste Djenepo. C’est bien ce que nous pourrions vivre dans un futur très proche. « Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne par la gorge », disait Winston Churchill.