Dans le cadre des futures réformes constitutionnelles à engager, le changement du mode de scrutin aux élections législatives suscite de nombreuses réflexions. Des voix suggèrent d’aller enfin vers un scrutin proportionnel à un seul tour.
L’élection des députés à l’Assemblée nationale constitue un moment crucial. Selon le chronogramme provisoire établi par le gouvernement de transition, la présidentielle et les législatives devraient avoir lieu au premier trimestre 2022. En plus du président, les citoyens seront donc invités à choisir aussi leurs représentants.
C’est justement pour assurer une meilleure représentativité des populations au sein de l’Assemblée nationale que des voix suggèrent, de plus en plus, d’aller vers un système proportionnel à un seul tour. Ce mode de scrutin est à même d’assurer une plus grande légitimité aux représentants du peuple.
Insuffisances
Le scrutin de listes majoritaires à deux tours, avec ses insuffisances, ne permet plus d’assurer une saine représentation des populations au sein de l’hémicycle. Seules les listes ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages attendus ont le droit de siéger à l’Assemblée nationale. Ce qui écarte les autres candidats, qui ont pourtant bénéficié de la confiance d’une frange importante de la population, mais n’ont pas obtenu le suffrage de validation.
Par exemple, dans le scrutin de liste majoritaire à deux tours mettant en compétition les listes A, B, C et D pour trois sièges, si au premier tour aucune n’obtient le suffrage absolu de 50%, seules les deux premières listes ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages exprimés accèdent au second tour. Au second tour, une seule liste de candidats en compétition bénéficiant de plus de voix exprimées obtient le droit de siéger à l’hémicycle et remporte les trois sièges. Or, il se trouve pourtant que des citoyens ont porté leur choix sur d’autres listes.
A contrario, avec le mode de scrutin proportionnel, le nombre de sièges en compétition est reparti entre les différentes listes de candidats en fonction de leur poids à l’issue des élections. Ce qui permettra d’avoir, au sein de notre Assemblée nationale, des représentants de toutes les grandes franges de notre population.
« Égalité de chance entre les partis politiques »
Pour cet observateur de la scène politique malienne, Mahamadou Touré, le mode de scrutin proportionnel peut assurer une égalité de chance entre les partis politiques, quel que soit le poids politique, économique et permet d’être à l’abri des contestations post-électorales. Toutefois, affirme-t-il, ce mode de scrutin peut imposer au pouvoir politique un gouvernement d’union nationale, si le parti au pouvoir n’obtient pas une majorité confortable à l’hémicycle.
Par ailleurs, il termine en suggérant que l’État mette en place une structure indépendante dont le rôle sera de veiller à ce que n’importe qui ne soit candidat : « La structure en question peut adopter des critères d’évaluation des partis et/ou des candidats à travers les actes qu’ils posent dans leurs circonscriptions électorales ».
Hamidou Doumbia, secrétaire politique du parti « Yelema », abonde dans le même sens en ajoutant que le mode de scrutin proportionnel va permettre de diminuer les alliances contre nature et donnera plus de légitimité aux élus. « Nous avons été troisième dans plusieurs localités. Les proportionnelles arrangent les partis émergents, comme le nôtre, qui n’ont pas assez de moyens mais ont des électeurs un peu partout », a-t-il expliqué, avant de laisser entendre que ce fut une de leurs propositions validées au Dialogue national inclusif.
Concertation avec la classe politique
Ce fin connaisseur des questions électorales, qui a préféré gardé l’anonymat, partage le même avis. Cependant, il a relevé le fait que dans certaines circonscriptions électorales le scrutin est uninominal, c’est-à-dire qu’il n’y a qu’un seul siège en compétition comme en commune III du district de Bamako. Alors que dans d’autres, il y a plusieurs sièges en jeu.
Il suggère alors de s’accorder à corriger cela en stipulant que dans certaines circonscriptions électorales, le scrutin sera uninominal et que dans d’autres, le mode proportionnel sera appliqué. Ou encore, sur la base de la loi du 05 mars 2002, portant attribution des sièges à l’Assemblée nationale, il propose de fixer le nombre de sièges en compétition à deux au minimum. Avant de terminer, il a insisté sur le fait que toutes ces reformes pourraient aboutir à l’issue d’une franche concertation avec la classe politique.
S’il est vrai que le pouvoir appartient au peuple dans une démocratie, il est temps qu’on donne un sens à ce principe en légitimant notre Assemblée nationale à travers une forte représentation de nos populations. Le mode de scrutin proportionnel nous offre cette heureuse occasion. Saisissons-la !
Cet article est publié dans le cadre du partenariat avec Open Society Initiative for West Africa (OSIWA).
Cet article enrichissant et pertinent de Lamissa Diarra est plein de quintessence en levant le rideau sur les insuffisances de la tenue du scrutin proportionnel des législatives. Je partage son opinion et je trouve son analyse efficace.