Dans le débat qui enfle sur les alliances entre partis politiques dans la perspective des élections législatives, le blogueur Mamadou Sokona estime que le problème réside dans les textes qui doivent être relus.
Avant de pousser la chansonnette, posons ce débat qui agite actuellement l’espace public malien. Et il est dommage qu’il ne survienne que pendant les périodes électorales. Décidément, l’une des grosses faiblesses de notre démocratie, c’est qu’il n’y a de vie politique que pendant les périodes électorales. Comment éviter le désenchantement des citoyens vis-à-vis du politique dans un tel environnement ?
Le débat porte sur la cohérence politique dans les pratiques des acteurs, qui prétendent à des fonctions électives. Dit autrement, certaines alliances entre partis politiques, aux identités perçues comme opposées, offusquent des acteurs politiques qui se transforment aussitôt en juristes pour brandir des articles tirés des textes qui, selon eux, interdiraient et invalideraient ces alliances électorales. Or, le véritable problème réside dans les textes et les possibles interprétations qui en découlent de leur lecture. Ainsi, je m’attèlerai plus à déceler les incohérences entre les réalités et les textes plutôt que de vous débiter des articles.
Platitude juridique et électoralisme politique
Il revient, dans mes entretiens avec les acteurs politiques, ce principe quasi-consensuel entre eux : « c’est la base qui décide ». Et tous les acteurs politiques le chantent en cœur sans en être probablement convaincus. En effet, ils sont plus préoccupés à se donner bonne conscience que d’être conscients des véritables enjeux qui portent sur la structuration et le fonctionnement de leurs organisations partisanes. Si les acteurs politiques s’alignent sur les décisions politiques de leurs bases, proposent et votent les lois qui contredisent ces réalités, nous nous interrogeons alors sur l’origine de nos lois.
Dire que le local et le national n’ont pas les mêmes enjeux n’est pas un prétexte mais une réalité. Pourtant, je fais partie de ceux qui alertent sur le « fantasme du local », qui va jusqu’à vouloir déconnecter le local du national. Or, il est urgent d’établir un lien politique entre ces deux échelles. Les partis politiques existent à peine dans nos localités où ils ne sont actifs que pendant les périodes électorales. Les sièges et les cadres habitent tous dans la capitale ou dans les grandes villes.
Un acteur politique m’a une fois confié que le local du parti n’a aucun sens dans un village et qu’il était beaucoup plus important d’avoir un notable ou un citoyen capable d’expliquer et de véhiculer les idées du parti dans la localité. Et après ? Quant à l’animation politique (formation des militants à travers les écoles du parti, sensibilisation des citoyens, restitution des élus…), la seule différence est qu’il n’existe presque pas au niveau local. Même si au niveau national, la situation n’est guère mieux.
« Les textes ne sont pas bons »
De façon abusive, nous pensons que nous avons de très bons textes qu’on n’arrive pourtant pas à appliquer, car ne reflétant rien et ne parlant qu’à ceux qui les ont élaborés. Des textes comme la charte des partis politiques, la loi électorale, la loi portant statut de l’opposition politique sont à la base de ces amalgames et confusions. Il est urgent de mener de véritables réformes, de consulter et faire participer les citoyens à leurs relectures. Aussi, il faut mener la réflexion sur le temps long malgré l’urgence de faire face aux tragédies quotidiennes.
Même les acteurs, censés maitriser ces textes et les diffuser pédagogiquement auprès de leurs militants et citoyens de manière générale, ne les comprennent pas eux-mêmes ou en font une lecture politicienne, biaisée et qui n’apporte rien à la qualité du débat public.
Que reflètent ces textes si elles favorisent, cautionnent de telles pratiques politiques considérées comme incohérentes ? Il est urgent de créer une harmonie entre nos réalités sociales et notre système politique pour prétendre à des pratiques institutionnelles consolidatrices de notre démocratie. Les « alliances contre nature » ne sont que la conséquence du nomadisme politique. Si la transhumance est lourdement sanctionnée ou simplement interdite, nous n’assisterons plus à ces pratiques qui éloignent de plus en plus les citoyens de la politique, une menace pour notre démocratie si fragile.
Si le sujet n’était pas aussi sérieux, je vous aurais invité à écouter « wadada » de Safi Diabaté. Mais l’un n’empêchant pas l’autre, il est temps de dire aux acteurs politiques d’arrêter avec leurs « wadada-wadada » pour incarner des valeurs qui parlent à nous citoyens afin de mieux nous représenter et défendre nos intérêts.