#MaTransition : et si une femme était choisie pour diriger la transition ?
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#MaTransition : et si une femme était choisie pour diriger la transition ?

English version here – Les obstacles à l’arrivée d’une femme à la tête du pays ne manquent pas dans une société piégée par le conservatisme, y compris religieux. Aussi, ces mêmes raisons feront que les préoccupations des femmes ne figureront pas en tête dans l’agenda d’une femme présidente. 

Je crois qu’il serait bon d’avoir une femme à la tête du Mali. Mais, malheureusement, cela paraît impossible dans un pays où il est admis que les femmes sont nées pour être sous les ordres des  hommes et dirigées par eux. De plus, même si une femme venait à diriger, cela ne changera pas grand-chose : le statu quo pour les femmes en général et seules les élites féminines aisées seront impliquées, en particulier celles de plus de 45 ans.

Les obstacles à l’accès des femmes au fauteuil de président ne manquent pas. Le premier et principal opposant pourrait être l’imam Mahmoud Dicko  et ses adeptes. Le puissant imam de Badalabougou est la figure de proue du mouvement de contestation M5-RFP, qui réclamait la démission du président Ibrahim Boubacar Keita avant qu’un coup de force militaire ne le dépose le 18 août 2020. Personne n’ignore leurs points de vue, leur perception sur les femmes qui, à mon avis, représentent ceux de la majorité des Maliens. Leur conviction est que les femmes doivent être des « suiveuses » mais jamais des dirigeantes. C’est pourquoi il n’est pas rare d’entendre dire : « Une femme présidente au Mali ? Jamais ! » 

Dans l’ombre des hommes

Paradoxalement, même s’ils affirment que les femmes sont respectées dans l’islam, les textes ne mentionnent jamais une femme prophète ou messagère. Plutôt elles sont toujours là, comme l’étaient Kadidja, Aicha et Fatoumata pour soutenir le leadership masculin. Rappelons-nous, l’imam Dicko, semble être le visage de l’obstination contre toute loi ou législation qui tente de changer une telle dynamique. La preuve en est son opposition ou sa victoire contre le Code de la famille en 2009

Aussi longtemps que Mahmoud Dicko aura un poids dans l’arène politique, les femmes resteront simplement dans l’ombre. L’exemple le plus illustratif est le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) dont il est l’ « autorité morale ». En fait, seule Mme Sy Kadiatou Sow— une figure politique de l’ancienne génération que les jeunes veulent éloigner du pouvoir – fait partie du comité stratégique du mouvement hétéroclite. Le reste des femmes sont confondues aux milliers de manifestants anonymes.

Faible poids politique

Si par hasard les chefs religieux, défenseurs prépondérants du patriarcat, ne parviennent pas à empêcher qu’une femme commande  le pays, des questions pourraient toutefois se poser encore: est-ce qu’elle dirige vraiment ? Pour qui ? Qu’est-ce que les femmes y gagnent ? 

De mon point de vue, si une femme devient présidente, le quotidien des femmes maliennes pourrait rester le même. Cela n’est pas seulement lié au fait que la plupart des femmes leaders politiques n’ont pas pour priorité l’émancipation des femmes et la lutte contre les inégalités. C’est aussi parce que leur engagement politique semble plutôt refléter celui de leurs homologues masculins. Et lorsque les donateurs l’exigent, elles peuvent faire des discours sur le rôle de « mère » des femmes et « piliers » de la société, mais pas plus. Ainsi, les ferventes défenseuses des droits de la femme sont souvent limitées dans la société civile qui lutte contre les violences basées sur le genre VBG et ont un faible poids dans la politique ou la gouvernance.

Lutter contre les VBG 

Une autre raison pour laquelle la préoccupation des femmes ne figurerait pas en tête de l’agenda d’une femme présidente peut être attribuée au fait que la plupart des femmes maliennes acceptent les normes et croyances sociales et de genre qui tendent à placer les femmes toujours après les hommes. Faisant qu’une femme élue ou nommée pensera toujours qu’elle doit obéir aux hommes, fera taire sa voix et suivra la volonté des hommes et les attentes de la société. Son éducation, ses croyances religieuses et ses antécédents peuvent l’empêcher de faire de l’autonomisation des femmes et de la lutte contre les VBG— en particulier les mutilations génitales féminines qui sont très répandues— une priorité absolue dans un domaine encore dominé par les hommes. 

Ainsi, une femme présidente devrait être celle qui reconnaît ses privilèges et les désavantages auxquels ses sœurs sont confrontés. Surtout, nous avons besoin d’une femme présidente qui connaisse le tissu social du Mali, les inégalités et les normes de genre qui désavantagent et oppriment les femmes. Une femme présidente, qui voit les femmes maliennes dans toute leur diversité, dans les zones rurales et urbaines, instruites et non instruites, pauvres et riches, mariées et non mariées, réfugiées et survivantes de la guerre, survivantes des VBG et qui les embrasse dans toute leur différence et utilise sa position pour faire progresser le statut de la femme dans un Mali patriarcal. 

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