#MaliSansEsclaves : à Yelimané, un imam déchu pour avoir dénoncé son statut de « jon »
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#MaliSansEsclaves : à Yelimané, un imam déchu pour avoir dénoncé son statut de « jon »

À Hamdallaye, un village du cercle de Yélimané, Ali Cherif Diarra a été déchu de son poste d’imam, il y a deux ans, pour avoir refusé d’assumer le statut de « jon ».

Dans la région de Kayes, l’esclavage par ascendance est une réalité aux multiples conséquences. Les « jons » qui veulent s’affranchir subissent toutes sortes de traitements de la part de leurs maitres considérés comme nobles (« horon »)

Ali Cherif Diarra a été  déchu de son poste d’imam et dépossédé de son champ pour avoir voulu s’affranchir de son statut de « jon ». Les faits se sont déroulés à Hamdallaye, un village situé dans l’arrondissement de Tambacara, dans le cercle de Yelimané

Polygame et père d’une vingtaine d’enfants, Ali Cherif Diarra est aujourd’hui sexagénaire. Dès sa jeune enfance, il est envoyé au Niger pour apprendre le coran. À son retour, le village manquait de  personne issue de la classe des nobles pouvant remplir la fonction d’imam. Après plusieurs mois d’hésitation, les populations se résignent à le nommer imam de la mosquée du village. « J’ai été fait imam parce qu’il n’y avait pas de noble ayant une connaissance assez profonde de la religion musulmane  dans le village », explique-t-il.

Divorces

Après 33 ans passés à assumer la fonction d’imam dans ce village, Cherif Diarra a été destitué le 22 octobre 2018 pour avoir refusé d’être appelé « jon ». « Mon grand-frère s’est marié avec une femme à Bamako. Deux mois après, ils sont partis dire au père de la femme que nous sommes des “jon“ dans notre village. Ce dernier a exigé le divorce de sa fille. » L’imam confie avoir été meurtri par les circonstances de ce divorce.

Les conséquences de son statut d’esclave poursuivent ses enfants, et ce même à l’étranger. Ce fut le cas de l’une de ses filles, qui « s’est mariée en France avec un homme qui ne vient pas de la localité de Yélimané. » L’imam explique : « Les ressortissants de notre village, qui se trouvaient en France, sont partis dire au monsieur que son épouse vient d’une famille de “jon“. Notre fille et son mari ont divorcé. » Dévasté par ces deux cas de divorces, il a fait savoir à ses maitres « horon » qu’il ne souhaite plus que les membres de sa famille soient appelés « esclaves » (« jons »).

« Lorsqu’on nait esclave, on ne quitte plus ce statut »  

Après une rencontre entre les notabilités du village sur le refus de son statut d’esclave, la sentence a été sans appel : « Si tu ne veux pas être appelé “esclave“, tu quittes ton poste d’imam. Lorsqu’on nait esclave, on ne quitte plus ce statut », lui ont rétorqué les notabilités. 

Pour avoir refusé d’être appelé « esclave », le vieil Ali Cherif Diarra est d’abord exclu de toutes les activités du village. Il est considéré comme un rebelle qu’il faut punir. Ainsi, son champ est spolié : « Un jour, les populations des villages environnants  et celles de Hamdallaye, armées de machettes, se sont rendues dans mon champ pour m’expulser. Heureusement, ce jour-là, je n’y étais pas. Sinon, je serais déjà mort. » 

Appliquer les lois de la République

Dans la zone, Ali Diarra n’était pas le seul à vouloir s’affranchir. Le préfet de Yélimané, M. Fané  et le sous-préfet de Tambacara ont été saisis de la question de l’esclavage par ascendance. Ils ont convoqué, le 15 mai 2019 à la mairie de Tambacara, les nobles et  les esclaves autour d’une table pour le dialogue. « Lors de cette rencontre, le chef du village de Tambacara n’a pas mâché ses mots. Il a dit à  l’administration qu’il va retirer les terres à tous ceux qui refuseront d’assumer le statut de « jon ». Ainsi, ils ne pourront plus cultiver. », rapporte l’imam Ali Cherif Diarra, présent lors la rencontre.  

Après l’échec de cette médiation du préfet, l’affaire a pris une tournure judiciaire. Au final, le procureur d’alors, M. Camara, a ordonné la restitution des champs spoliés. « Grâce au procureur Camara, nous avons pu récupérer nos champs. », affirme l’ex-imam. Personnellement, je pense que pour atténuer la souffrance des personnes considérées comme « esclaves », les représentants de l’État dans les zones où la pratique existe doivent agir avec rigueur en appliquant les lois de la République. 

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