Beaucoup de pesticides obsolètes sont en vente sur le marché au Mali. Parmi les vendeurs, beaucoup ne sont pas habilités. Or, n’est pas vendeur de pesticides qui veut.
Nous sommes au marché des pesticides de Bamako, au Quartier du Fleuve. Dans les magasins jonchant les rues par dizaines, sont exposés sur des étagères des produits phytosanitaires (pesticides) très variés, destinés à l’agriculture. D’autres sont étalés a l’extérieur dans des bidons de différents volumes, presqu’exposés au soleil.
Les acheteurs viennent et repartent. Moussa Koné, la trentaine environ, est vendeur de pesticides depuis 2 ans. Un client l’aborde pour un produit. « Un herbicide », précise-t-il. Moussa Koné ne l’a pas et le redirige vers un de ses collègues vendeurs.
Difficile d’empêcher les entrées de pesticides obsolètes
Les pesticides sont très variés et le marché est tellement florissant que plusieurs produits entrent fréquemment. « Le flux du trafic est tel que c’est difficile d’avoir un contrôle rigoureux afin d’empêcher l’entrée des pesticides obsolètes », explique M. Mamadou Camara, agronome ayant une expertise sur les pesticides. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), il y a plus de 500 000 tonnes de pesticides obsolètes éparpillés dans le monde.
A ce jour, il n’existe pas de statistiques sur les pesticides obsolètes en circulation au Mali. Mais en 2018, dans le cadre du Projet d’élimination et de prévention des pesticides obsolètes (PEPPO), mis en œuvre à la suite du Programme africain relatif aux stocks de pesticides obsolètes (PASP- Mali), 800 tonnes accumulées au cours des 30 dernières années ont été éliminées à Sanankoroba (Koulikoro).
Au marché des pesticides, Moussa Koné, un vendeur, avoue être conscient que son travail est délicat et que tout le monde n’est pas autorisé à l’exercer. « Certains ne sont pas autorisés à vendre mais ils le font », affirme-t-il. « A cause d’eux et des pesticides obsolètes qu’ils commercialisent, les policiers débarquent des fois pour confisquer nos produits. » Le jeune homme, fièrement, dit avoir reçu une autorisation de vente de pesticides de la Direction nationale de l’agriculture. Aussi, exhorte-t-il les autres à chercher à se mettre en règle, s’ils ne l’ont pas encore fait.
Problème d’homologation
Un autre vendeur, la soixantaine tassée, refuse de se prononcer sur les conditions de vente des pesticides et l’homologation. La question, dit-il, est complexe. « Je peux vous conduire chez le président du syndicat », finit-il par proposer.
Moussa Doumbia est le président de l’Association des vendeurs de pesticides depuis bientôt trois ans. Il est accompagné de son secrétaire général, Ousmane Sylla. Ils évoluent dans le domaine tous les deux respectivement depuis 26 ans et 20 ans. Selon M. Doumbia, la question la plus préoccupante est celle de l’homologation qui consiste à vendre des produits autorisés, en plus de la communication afin que cette question soit bien comprise par les vendeurs. « Nous nous battons comme nous pouvons afin que la vente des pesticides se fasse dans les conditions normales et qu’on n’ait plus jamais de pesticides obsolètes sur le marché », explique pour sa part M. Sylla. Un combat difficile, reconnaît-il. Il révèle que beaucoup de vendeurs récalcitrants, qui s’entêtaient à vendre des pesticides périmés ou non autorisés, ont été éjectés du marché par l’association.
En revanche, M. Doumbia a rappelé que beaucoup ne sont pas homologués en raison de l’ignorance des procédures : « Nous souhaitons qu’il y ait plus de contact entre les experts du domaine et nous afin que les vendeurs n’aient pas de problèmes pour l’homologation », affirme-t-il.
La procédure, selon le décret fixant les modalités d’application de la loi instituant l’homologation et le contrôle des pesticides en République du Mali, est la suivante : l’autorisation d’expérimentation, le refus ou l’ajournement de la décision pour complément d’informations, l’autorisation provisoire de vente et enfin l’homologation.
Un manque de formation
Un autre problème est celui de la formation. M. Doumbia se souvient de sa première et dernière formation sur les pesticides, comme si c’était hier. Il regrette le fait que les autorités n’en donnent plus : « Nous n’avons été formés qu’une seule fois par la Direction nationale de l’agriculture, à l’IPR de Katibougou. Mais depuis, plus rien ». M. Sylla, lui, plaide pour que les formations continuent : « La lutte contre les pesticides obsolètes est l’affaire de tous », souligne-t-il. « Les autorités doivent comprendre sa complexité et prendre en compte tous les paramètres. »
« Ceux qui vendent des pesticides périmés ne savent juste pas, en majorité, que ces produits le sont. Avec les formations qui leur permettront d’avoir les bonnes informations sur les pesticides autorisés ou pas, périmés ou pas, la lutte portera des fruits », abonde M. Sylla. L’expert Mamadou Camara estime que la formation des vendeurs est capitale : « On ne devrait d’ailleurs pas vendre les pesticides si on n’est pas formé. C’est après une formation accrue sur tous les détails concernant les pesticides que l’on reçoit une autorisation de vente. »
Les pesticides obsolètes ne doivent plus exister sur le marché. Déjà que les vendeurs sont regroupés en association, il revient aux autorités de composer avec ces derniers, les former, communiquer avec eux fréquemment sur les listes périodiques de pesticides autorisés, conformément à la réglementation commune aux États membres du Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS). Enfin, le contrôle doit être accru afin que les mauvais élèves parmi les vendeurs soient punis.
Le Projet d’élimination et de prévention des pesticides obsolètes au Mali (PEPPO) avait pour objectif principal de débarrasser le pays des stocks de pesticides obsolètes et déchets apparentés inventoriés de façon respectueuse de l’environnement. Financé par la Banque mondiale, le PEPPO a été clôturé en fin janvier 2020.