Quand un peuple est moins exigeant face à ces dirigeants, ces derniers deviennent peu engagés à travailler pour leur bien-être. Tant qu’on accordera plus d’importance à l’argent d’un candidat, plutôt qu’à son bilan au pouvoir, il ne faudra pas mieux espérer de nos hommes politiques en termes de rendement au travail. Il faut inculquer la culture de la sanction politique.
Ce n’est sans doute pas un fait du hasard si le constituant malien a fixé un terme à l’exercice de chaque mandat électif, aux termes de notre loi fondamentale. Egalement, il n’y a pas eu de hasard dans le fait d’accorder la possibilité à un élu en fin de mandat, de se faire réélire pour un nouveau. Le constituant malien a laissé ainsi la suprême latitude au peuple de décider de son destin, de sanctionner ou récompenser ses dirigeants.
L’histoire démocratique dans notre pays révèle, cependant, que le peuple malien a vendu son pouvoir. L’argent a fini par tout acheter au Mali. Les voix électorales se monnaient auprès des hommes politiques : « Électeurs et candidats considèrent le processus électoral comme une vulgaire opération de vente aux enchères », pointait Wamseru Asama, dans un article publié sur Benbere en mars 2020.
Assigner des missions
Au lieu de soumettre fièrement à l’appréciation du peuple son bilan pour le mandat exécuté, nos hommes politiques ont plutôt opté pour la stratégie de l’achat des consciences lorsqu’ils cherchent à se faire réélire. Mais, ne dit-on pas qu’il n’y a jamais de corrupteurs sans corrompus ! C’est parce qu’il y a toujours eu des citoyens maliens prêts à marchander leurs voix pour de l’argent que nos élus politiques se donnent les moyens d’en acheter.
« Tant que des citoyens maliens ne seront eux-mêmes pas sérieux, il ne faut pas espérer que nos hommes politiques le soient », s’indignait ainsi un jeune malien au cours d’une émission de libre antenne sur une chaîne de radio privée. La vérité est que nous avons réellement besoin de culture civique au Mali. Ce n’est pas tant parce que ceux parmi les maliens qui ont fait le choix de vendre leurs voix électorales contre de l’argent vivent dans la misère. C’est parce que, c’est bien triste de le dire, ils ne savent pas ce que représentent leurs votes. « Au Mali, les gens ne savent pas pour qui voter ni pourquoi voter. », disait l’autre.
Jusque-là, au Mali, on semble ne pas comprendre que ceux qui nous dirigent sont nos « serviteurs ». Un élu est un serviteur. Octroyer un mandat, c’est assigner des missions au bout d’un temps. Au terme du temps indiqué pour l’exécution de la mission, celui ou ceux qui ont eu la lourde tâche d’exécuter la mission laissent l’opportunité au peuple d’apprécier le travail accompli. Ceux qui souhaitent bénéficier de plus de temps pour servir le pays seront ainsi jugés et évalués sur leur travail.
Peuple éveillé, politiquement bien éduqué
Au regard des missions exécutées, conformément à celles qui lui ont été préalablement confiées par le peuple, le candidat à sa propre réélection est soit sanctionné soit récompensé. En le sanctionnant, le peuple décide de lui retirer son mandat et lui signifier son congé. En le récompensant, le peuple décide de lui accorder à nouveau sa confiance pour un temps limité.
L’absence de culture de la sanction fait que nos hommes politiques continueront à décevoir le peuple. A chaque renouvellement de mandat, le poids de l’argent va prévaloir devant l’électorat pour gagner sa confiance. Qu’ils soient maires, députés ou président de la République, rares sont les hommes politiques qui jouent cartes sur table avec les Maliens et qui cherchent à se faire réélire ou se font réélire uniquement sur la base du travail accompli, sans acheter des voix électorales.
Pour la réussite de la démocratie au Mali, la promesse des fleurs ne tiendra pas celle des fruits tant qu’on n’aura pas un peuple éveillé, politiquement bien éduqué, à même d’identifier et de se battre pour les intérêts de son pays. Un peuple rigoureux inspire le respect chez ceux qui aspirent à diriger.