Être femme et vivre en situation de handicap, au Mali, reviennent à se battre deux fois plus que les autres pour sortir de l’ombre et se hisser au sommet pour exercer sa pleine citoyenneté.
Malgré les entorses très souvent constatées à l’application de la loi 0-52 sur le genre, notamment lors de la composition des gouvernements, les femmes sont peu à peu beaucoup plus visibles sur la scène politique. Grâce à cette loi, elles ont la possibilité aujourd’hui d’apporter leurs pierres à la construction de l’édifice public en comptant sur la scène politique. Il n’est plus possible de les ignorer, car elles constituent des ressources avec des compétences nécessaires pour bâtir ensemble le pays.
C’est bien cette même possibilité que demandent les femmes en situation de handicap, qui sont ignorées aujourd’hui lorsqu’on parle de participation politique des femmes. Elles sont considérées très souvent comme étant en « incapacité » pour compter parmi celles qu’on appelle aux fonctions politiques.
Faible représentativité
Les femmes en situation de handicap sont quasi invisibles sur la scène politique. Au sein des institutions, dans la haute administration publique, au sein des conseils des collectivités territoriales, elles sont invisibles. On note toutefois, durant cette période exceptionnelle, leur présence salutaire au sein de l’instance législative de la transition, le Conseil national de transition (CNT). En dépit de leur droit de participer à la gouvernance démocratique au même titre que les autres citoyens, on les voit moins comme électrices les jours de vote, encore plus moins comme candidates.
Si globalement les femmes du Mali partagent les mêmes défis sur la question de la participation et de l’implication dans la vie politique, celles en situation de handicap connaissent des défis particuliers : faible possibilité de s’instruire jusqu’au bout du cursus scolaire et universitaire ; faible possibilité de faire carrière dans la politique, d’utiliser ses compétences au sommet des institutions d’État. « Depuis l’adoption de la loi sur le genre en 2015, explique Oumou Théra, femme en situation de handicap, professeure d’enseignement secondaire général, vous n’avez jamais vu une femme handicapée au sein du gouvernement, au sein de l’Assemblée nationale ou même, à ma connaissance, au sein des bureaux des conseils locaux. Pourtant, elles sont des femmes tout comme les autres et elles ont des compétences pour occuper les postes qu’il faut. »
Déployer les moyens
Rendre effective la participation des personnes handicapées à la vie politique, celle des femmes en particulier, va nécessairement de pair avec une bonne volonté politique et la mise en place de moyens pour ce faire. Cela implique, entre autres, de construire des services publics qui prennent en compte leurs besoins, d’outiller l’administration publique en dispositifs leur permettant de s’épanouir et de vivre au même rang que les autres avec les mêmes possibilités de voir, d’entendre, de s’exprimer, de se mouvoir et de comprendre pour permettre d’exercer pleinement leurs compétences.
L’exercice du pouvoir politique et des postes politiques stratégiques par les femmes handicapées doit être rendu possible en brisant les obstacles structurels. Il faut des mesures politiques en leur faveur à cet effet : quotas dans les nominations aux postes de responsabilité publique, dans la constitution des listes de candidature aux postes électifs; opportunités de formations en leadership politique; opportunités économiques en bénéficiant de financements pour exercer des activités valorisantes et génératrices de revenus (pour prétendre aller à la conquête du pouvoir avec des fonds conséquents).
Les droits politiques, comme celui de voter, de se présenter à des élections et d’être élu sont des droits humains fondamentaux et sacrés pour tout citoyen. Rendre possible l’exercice de ces droits pour les personnes handicapées est un enjeu démocratique qui permet de donner vie à notre volonté de vivre dans la différence, de façon égalitaire. La lutte pour l’inclusion des personnes handicapées est un combat humain et pour soi tout d’abord. Chacun peut se retrouver en situation de handicap au cours de sa vie.